La venue de l'artiste populaire Biyouna à Sète pour un concert unique au théâtre Molière, classé scène nationale, a été vécue comme un événement musical exceptionnel. Ainsi, les huit cents places mises en vente ont très vite trouvé preneurs et beaucoup de ses admirateurs malchanceux ont dû se contenter de la voir au Forum de la FNAC de Montpellier où elle était venue la veille présenter son deuxième album. Sur scène, la chanteuse algérienne développe une grande présence avec une voix chaude et rauque qui enchante les auditoires les plus exigeants, le tout bien sûr agrémenté d'un humour décapant qui la fait surnommer par certains la Coluche algérienne. Les chansons de son répertoire sont des coups de cœur et des hommages à des chanteurs qui ont bercé son enfance et son adolescence ou qui l'ont touchée plus tard. Et, comme elle le dit si bien : « Je suis née dans une famille de mélomanes et ma sœur Faïza El Djazaira qui était une diva, avait placé la barre très haut. Donc, pour être au diapason de cette artiste reconnue, j'ai mis beaucoup de temps et il a fallu attendre le film, Le harem de Mme Ousmane, où j'ai chanté à capella pour me décomplexer et entrevoir une éventuelle carrière dans la chanson. » Le public qui était venue l'écouter était très attentif à ce qu'elle disait par ce que son spectacle est un show complet où l'on retrouve mêlés tous les talents de Biyouna : l'humour, le jeu d'acteur et bien sûr l'interprétation musicale vécue comme une jubilation naturelle. Le deuxième album qui est un patchwork où se côtoient des chansons en français et en arabe algérien est un pur délice. Trois classiques émergent, la reprise de Chemâa (La bougie) du regretté Kamal Messaoudi, interprétée avec une émotion particulière, ainsi que El Bareh de feu El Hadj Hachemi Guerouabi qui donne à la nostalgie des lettres de noblesse, sans oublier El Ghafel de Djamal Laroussi avec ses accents de reggae. A elles seules, ces trois chansons marquantes du répertoire populaire moderne ont forgé des générations entières de mélomanes en Algérie et dans l'émigration. Biyouna qui a fait des apparitions avec Fellag dans sa comédie musicale Comment réussir un bon couscous et dispose maintenant de références établies dans le genre comique, à la télévision surtout, veut se consacrer à la scène en se lançant dans l'art du monologue. Une ambition qui va être rendue possible bientôt car Biyouna nous apprend que Gad El Maleh est en train de lui écrire un one woman show qu'elle jouera ici en France et bien sûr en Algérie. Le public, particulièrement attentif à ses paroles, n'a pas manqué de s'inquiéter sur la rareté de ses apparitions à la télévision, après les grands succès obtenus avec les sitcoms burlesques, notamment Nass Emlah City, durant les ramadans précédents en Algérie. Et, là Biyouna répond que son engagement dans des associations caritatives, ici en France, pendant le dernier ramadan, ne lui a pas permis de tourner pour la télévision. Mais elle promet cependant de revenir au plus vite, à la condition de trouver des scénarios à la hauteur de son talent avant de finir par cette pique : « Vous savez, moi je suis fâchée avec la médiocrité », ajoutant qu'elle entretient de bonnes relations avec la télévision nationale. La générosité de Biyouna a subjugué même le public français qui ne la connaissait pas et qui était venu un peu en curieux avant de découvrir une artiste au grand cœur. La ville où le chanteur français Georges Brassens est né et y est enterré, et dont le port est déjà relié à Oran, avant celui d'Alger bientôt, n'est pas prête d'oublier le passage chaleureux de l'artiste algérienne.