Le gouvernement vient d'annoncer une nouvelle politique de l'emploi. Celle-ci, selon les termes du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, vise à ramener le taux de chômage, qui est actuellement de 13,8% (selon les statistiques de l'ONS), à moins de 10% d'ici seulement 2009 et à créer de 350 000 à 450 000 emplois par an dont 190 000 permanents. Un défi majeur pour un gouvernement qui a déjà montré, par le passé, ses limites à relancer la machine économique. Est-il possible de créer autant d'emplois en si peu de temps dans l'Algérie d'aujourd'hui ? La conjoncture économique actuelle est-elle favorable à la création d'emplois en quantité et en qualité ? Même si les caisses de l'Etat regorgent de dollars et même si le pétrole continue à tirer la croissance, cela ne suffirait pas pour atteindre d'aussi importants objectifs. La création de l'emploi reste, selon des experts en la matière, tributaire des capacités du tissu économique productif à se développer. Ainsi est l'avis de l'économiste Mohamed Gharnaout pour qui il n'y a jamais eu une véritable politique d'emploi en Algérie. Selon lui, la création de l'emploi est tributaire de deux facteurs : l'augmentation de la consommation des ménages et l'accroissement de l'investissement. Sans ces deux éléments, on ne pourrait pas espérer un accroissement de l'emploi. Autrement dit, pour que les entreprises de production se développent et aient besoin de plus de ressources humaines, il faudrait qu'elles vendent plus. Or, il se trouve qu'aujourd'hui les ménages sont laminés par la flambée des prix de toute sorte de produits, ce qui les pousse à réduire leur consommation. Cela contraindrait les entreprises à réduire leur production et à engager de moins en moins de travailleurs. Aussi, ajoute notre interlocuteur, le taux de change très élevé entre le dinar (qui a beaucoup perdu de sa valeur) et l'euro (1 euro pour presque 100 dinars algériens) rend très coûteux tout investissement. Surtout que l'Algérie importe presque la totalité de ses besoins en équipements et outils de production de la zone euro. Cela provoque une baisse en matière d'investissement. Et moins d'investissements signifie moins d'emplois. M. Gharnaout estime ainsi que pour créer de l'emploi, il faudrait à la fois relancer la consommation pour encourager la production et attirer les investissements. Mais à ses yeux, cela ne pourrait pas se concrétiser en un clin d'œil. Il faudra qu'il y ait d'abord une véritable politique d'investissement et une stratégie industrielle qui permettraient la naissance et le développement d'entreprises de production exportatrices de richesses. Il est ainsi clair, précise-t-il, que les indicateurs économiques actuels sont en défaveur de la création de l'emploi. Pis encore, souligne-t-il, on risque de supprimer plus d'emplois réels que l'on en créerait. Pour étayer ses propos, notre interlocuteur cite l'exemple du secteur économique public qui a perdu 50% de ses capacités de production, ce qui le contraindrait à faire travailler moins de ressources humaines. Ne cachant pas son scepticisme quant à l'avenir du marché de l'emploi en Algérie, M. Gharnaout indique que la nouvelle politique prônée par le gouvernement ne sera nullement meilleure que la précédente. Les futurs emplois seront, à ses yeux, aussi précaires que ceux créés durant les dix dernières années, notamment au sein des administrations publiques.