L'Algérie veut une meilleure définition du concept du « terrorisme ». Pour cela, elle entend travailler avec des pays partenaires avant que la communauté internationale n'adopte la convention globale sur la lutte contre le terrorisme. L'adoption de cette convention est jugée « urgente » par Alger. La question a été à peine effleurée, hier à l'hôtel El Aurassi à Alger, à l'ouverture du 1er colloque international sur le terrorisme, organisé par l'Organisation nationale des victimes du terrorisme (ONVT). Un colloque qui n'arrivait pas à se situer entre « l'éradication » ou « la lutte » contre le terrorisme. Le premier terme ayant disparu en faveur du deuxième dans les documents distribués aux présents, même s'il a été maintenu dans la brochure relative au programme de la rencontre. Habba El Okbi, secrétaire général de la présidence de la République, a, dans une lecture du message de Abdelaziz Bouteflika adressé au colloque, souligné l'importance de « la société civile » dans la mobilisation en faveur de l'adoption de la convention globale sur la lutte contre le terrorisme et la nécessité d'obtenir « un consensus sur la définition du terrorisme ». C'est, en théorie, la ligne stratégique du colloque d'El Aurassi qui a choisi comme « image symbole » les attentats de 2001 contre les twin towers de New York. Manière pour les organisateurs de passer au-delà de l'aspect « local » du phénomène terroriste et d'intégrer une vision large. C'est probablement la seule explication à trouver à la totale évacuation du débat d'hier du recours aux attentats suicide en Algérie depuis deux ans. Dans son message, Bouteflika a relevé que la lutte « contre ce fléau transnational » ne sera efficace que dans la mesure où elle s'adresse à un ennemi « clairement défini » sur lequel doivent se concentrer « les efforts de tous ». Les négociations sur l'adoption de la convention globale de l'ONU, perçue par Alger comme « un cadre normatif au sein duquel viendront se conjuguer les différents accords de coopération en la matière », durent depuis au moins six ans et n'ont toujours pas abouti à cause de divergences sur les concepts et sur les charges politiques qui y sont liées. Discussions bilatérales En 2002, le chef d'Etat algérien avait, lors de l'assemblée générale de l'ONU à New York, observé que la définition du terrorisme doit être « acceptable » par tous. Elle doit, selon lui, éviter les amalgames, en particulier la tendance à associer Islam et activités terroristes. « De même, il nous sera impossible d'assimiler à des actes terroristes les combats que mènent les peuples privés de leurs droits », a précisé M. Bouteflika. Globalement, l'Algérie, qui n'adhère pas aux classifications habituelles des Etats-Unis et des pays membres de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), ne considère pas les mouvements de libération comme des « groupes terroristes ». « Il doit être entendu qu'on ne peut décemment assimiler au terrorisme les luttes que mènent les peuples pour leur libération et qui recourent à la violence, faute d'autres moyens de défense », a rappelé le président de la République dans son message au colloque de l'ONVT. A titre d'exemple, l'Algérie n'a pas la même appréciation du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais que les Etats-Unis ou l'Union européenne. Alger ne reconnaît pas également l'existence de ce qui est appelé Al Qaïda au Maghreb. « L'Algérie veut aussi que l'on aborde au niveau international la question des armées régulières qui recourent à des méthodes terroristes ou de ce qu'on désigne comme du “terrorisme d'Etat” », nous a expliqué un expert. Pour ce faire, Alger a engagé des discussions bilatérales avec un certain nombre d'Etats. Les dernières en date furent avec la Russie dans le cadre du groupe mixte qui s'est réuni à Alger. « Il s'agit d'un dialogue qui porte sur des aspects opérationnels, politiques et stratégiques. Un dialogue que nous voulons approfondir avec ce pays ami », nous a précisé un officiel algérien. Anatoly Safonov, représentant spécial du président russe pour la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, a co-présidé, avec Kamel Rezzag-Bara, conseiller à la présidence de la République, la réunion de ce groupe. Cela intervient au moment où le principal service secret russe FSB (ex-KGB) a décidé d'étendre son activité légale à l'étranger. « Les échanges de délégations s'intensifient dans le cadre de la coopération antiterroriste, des exercices communs sont organisés, et le FSB accroît ses achats de matériel spécialisé à l'étranger », a indiqué une source à l'agence russe Ria Novosti. A teneur différente, l'Algérie a mené des négociations similaires avec des pays comme l'Allemagne, l'Espagne et la Turquie. A cause de la question du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la dialogue avec la Turquie sera assez complexe. Alger, contrairement à l'UE, ne considère pas le PKK comme « une organisation terroriste ». Du moins, il n'existe aucune déclaration officielle algérienne à propos de ce mouvement armé. Il reste que l'Algérie n'a eu aucune position par rapport à l'engagement militaire turc au nord de l'Irak contre les éléments du PKK.