Il est de moins en moins probable que l'Etat aille chercher encore dans ses caisses pour couvrir les pertes des entrepreneurs engagés dans des marchés publics de construction. C'est ce qu'a semblé vouloir dire hier le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Noureddine Moussa. Pour le premier responsable du secteur, de passage sur le plateau de la Chaîne III de la radio nationale, « le contrat est la loi des contractants ». Les entrepreneurs ne devraient donc pas s'attendre à ce que leurs revendications soient aussi facilement satisfaites. Ces derniers réclament, pour précision, une actualisation des prix de départ, sinon une résiliation des contrats à l'amiable sans comptabilisation des pénalités de retard. Ni l'une ni l'autre. Noureddine Moussa, qui rappelle que « c'est l'économie de marché qui fixe les règles du jeu », se montre clair : « Personne ne les a obligés à signer ces contrats. » Cette position de principe demeure valable pour les contrats conclus à des prix fermes. « Ce sont des contrats à court terme et c'était aux entrepreneurs de faire leurs prévisions », a expliqué le ministre. Pour les projets à plus longue durée, le département de l'habitat confirme l'existence d'une clause de révision des prix qui pourrait être activée. Cependant, le principal problème qui entrave l'application de cette mesure à temps est le retard dans la communication de l'indice des prix lequel sert de référence pour l'actualisation, reconnaît Noureddine Moussa. « D'ailleurs, rassure-t-il, nous avons demandé à ce que cet indice nous soit transmis dans les délais impartis. » Tout en reconnaissant que la flambée des prix est due à la « spéculation », le ministre souligne que la part du ciment dans la structure du prix de revient du mètre carré habitable se limite entre 6% et 8%, alors que pour le rond à béton, les prix suivent les cours mondiaux. Une dépendance d'autant plus préoccupante que l'Algérie importe pratiquement 80% de ses besoins de cet intrant. « Nous allons mettre de l'ordre » Ce qui est largement compensé par la batterie d'aides que les autorités octroient, sous-entend le ministre de l'Habitat qui rappelle la gratuité du foncier pour les logements sociaux et le paiement de 80% du prix sur concours du budget de l'Etat dans les formules aidées, type LSP. « Le conseil interministériel qui devrait se tenir aujourd'hui aborderait la problématique sous l'angle du rôle régulateur de l'Etat », a estimé le ministre. Ainsi, les pouvoirs publics s'acheminent à demander aux cimentiers de mettre de l'ordre dans leurs réseaux de distribution ainsi que le respect de la vente avec facture. Pareil pour le rond à béton dont les contrôles se feront au niveau des ports, puisque les importateurs sont connus, a ajouté M. Moussa, pour qui le suivi du marché transcende son secteur. De l'avis de l'invité de la radio, la demande des entrepreneurs à réviser les contrats passés dans le cadre de la réalisation des logements sociaux ou aidés reste un cas typiquement algérien. Il en veut pour preuve patente le fait que ce soit les seuls entrepreneurs locaux qui se plaignent de la cherté des matériaux de construction. « Vous avez certainement constaté qu'une entreprise étrangère de construction s'approvisionne en grandes quantités d'agrégats dès l'entame du chantier dans le but de se prémunir contre tout retournement de situation », dit-il. A l'inverse, « les constructeurs algériens ne font pas de prévisions et opèrent, telle une ménagère, au jour le jour », poursuit le ministre. Un constat que le représentant de l'Exécutif explique par le manque de « professionnalisme » des entrepreneurs locaux. La crise actuelle qu'a engendré l'envolée des prix des matériaux de construction démontre l'ampleur de la désorganisation de la branche bâtiment. Noureddine Moussa, qui réaffirme l'impérieuse nécessité pour le pays de disposer d'une classe d'entrepreneurs et de bureaux d'études, n'entrevoit de solutions à plus long terme qu'à travers la redéfinition de tous les métiers du secteur. « Il est anormal qu'un entrepreneur dit s'approvisionner en sac de ciment. C'est là un phénomène qui alimente davantage la spéculation », s'insurge M. Moussa, avant de souligner qu'un entrepreneur digne de sa profession « doit posséder sa propre centrale à béton et s'approvisionner en ciment vrac ». Dans ce sens, il a soutenu l'impérativité de « mettre de l'ordre dans les métiers de la construction pour lesquels seuls les professionnels doivent occuper le secteur ». Un ordre qui passerait, selon le ministre, par la définition et le cadrage des métiers ainsi que la mise en place de chartes de déontologie.