Le Panorama du cinéma algérien, qui s'achève aujourd'hui, a au moins le mérite de rouvrir le champ des débats. Le phénix renaîtrait-il de ses cendres ? Quelques éléments réjouissants dans le bilan de l'actualité de l'année écoulée et quelques signes de réveil en ce début 2008, laissent penser qu'un souffle nouveau est en train de rallumer la flamme de la création, éteinte depuis des lustres. Souvenons-nous, il y a à peine une trentaine d'années, reconnu et attendu avec curiosité par les professionnels du monde entier, notre cinéma faisait des percées spectaculaires sur les écrans nationaux et étrangers. Chacun s'émerveillait de constater qu'une cinématographie à peine naissante disposait de vrais cinéastes, de comédiens talentueux et de techniciens hors pair capables de prouesses artistiques. Avant de s'enliser, notre cinéma avait le vent en poupe, considéré souvent comme l'un des plus dynamiques, prolifiques et talentueux des cinémas arabe, africain et du tiers-monde. Les nombreux prix qui lui ont été décernés dans des festivals internationaux prestigieux, en témoignent. Mais, très vite, les choses ont basculé. Les sigles se sont multipliés : Cnca, Oncic, Anaf, Enaproc, Enadec, Caaic, Enpa… Les structurations ont cédé la place aux destructurations puis au démantèlement. Et, c'est finalement par décret que la cinématographie algérienne fut exécutée, laissant les liquidateurs et les dépeceurs spécialisés s'acharner sur sa dépouille. Le chaos programmé a même permis à certains de s'accaparer des négatifs (originaux), patrimoine collectif des Algériens (puisque produits par l'Etat). Cela dit, si les handicaps structurels, le laisser-aller, le poids d'inertie des mentalités et les pesanteurs bureaucratiques sont, pour une large part, responsables de l'état de déliquescence avancée, il ne faut pas pour autant négliger les freins politiques puissants qui constituaient autant de barrières infranchissables. Voué aux gémonies par une bureaucratie tatillonne qui avait juré sa perte, le secteur de la création artistique a fini par agoniser sans même une cérémonie d'enterrement. Témoins impuissants des errements d'une profession atomisée par l'infernal cercle de violence qui s'abattait sur elle, les professionnels du secteur ont fini par se rendre à l'évidence : toute redynamisation du secteur moribond devenait impossible en absence d'une volonté politique résolue. Toute restructuration était vouée à l'échec en absence de décisions claires. Enfin, une politique rationnelle de production et de distribution était inconcevable en absence d'une législation adéquate. Est-il possible de tirer des leçons de toutes les erreurs commises, de tous les déboires, de toutes les déceptions ? Dans un environnement profondément hostile à l'art et à la création artistique et où règne encore une pesante inertie culturelle, la décision du ministère de la Culture de poser les premiers jalons d'une nouvelle configuration du paysage cinématographique et audiovisuel algérien, constitue le signe évident du réveil d'une cinématographie trop longtemps engoncée dans le marasme et le désespoir. Avec les premiers décrets exécutifs, la situation de la cinématographie nationale semblait s'inscrire sous de favorables auspices. Premières mailles d'un redémarrage du cinéma, trois mesures énergiques et audacieuses ont été, tels des rayons de soleil, annonciatrices d'un printemps. Le premier, portant conditions et modalités d'organisation des festivals culturels, le second relatif à la création d'un Centre national du cinéma et de l'audiovisuel (Cnca) en remplacement du Centre de diffusion cinématographique (CDC) et enfin le dernier prévoyant la transformation de l'Institut national des arts dramatiques (Inad) en Institut supérieur des métiers des arts et du spectacle (Ismas), visant à valoriser en formation de compétences et de talents dans les métiers de l'art. Ces résolutions nouvelles ont commencé à esquisser les contours d'une véritable politique audiovisuelle et cinématographique. L'élan donné à l'occasion de l'Année de l'Algérie en France et surtout l'encourageante production qui vient de voir le jour dans le cadre de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe, augurent d'une ère de renouveau. On ne peut donc que se réjouir de telles initiatives en tant que premier grand signe d'ouverture. Les nouvelles structures de gestion qui activent, les festivals qui naissent et se développent, Festival international du film amazigh (FIFA) qui prépare son 9e rendez-vous, Festival du film arabe qui prépare sa seconde édition, les Journées cinématographiques de Tébessa qui reprennent ce mois, les cinéclubs qui fleurissent ici et là, les revues qui naissent ( Asaru-Cinéma Passerelle, Amwaj ), les associations de réalisateurs et de producteurs revivifiées, sont des signes de renaissance. Cela dit, il est indispensable que toutes ces initiatives puissent bénéficier des moyens de leurs ambitions afin d'être les véritables relais d'avènement d'une culture authentique ouverte au plus grand nombre. Plus pour l'audiovisuel que pour les arts du spectacle, la question du financement de la création se pose de manière aiguë. Dans la plupart des pays européens, le financement public joue un rôle majeur, contrairement aux Etats-Unis où l'investissement privé et commercial est prédominant. Ce modèle s'est transformé en règle de l'OMC qui interdit les aides financières publiques, sous prétexte de mettre tout le monde sur le même pied et d'éviter la « concurrence déloyale ». Aussi, les professionnels et les décideurs devraient faire preuve de pragmatisme et de raison. Connaître les mécanismes de financement, les lignes de force, et les points d'appui, permettent de mieux comprendre et maîtriser les conditions matérielles de gestion. Pour autant, calquer les situations de pays super développés peut conduire vers des mesures incompatibles avec notre réalité. Le modèle français — une économie privée encadrée et soutenue par l'Etat — mérite notre attention. Le débat sur le financement a une incidence directe sur la capacité ou non, de créer des œuvres audiovisuelles dans notre pays. Nombreux encore sont ceux qui prônent le retour à l'Etat-providence avec, d'un côté, des hordes de cinéastes fonctionnaires salariés à ne rien faire et, de l'autre, des nantis du système qui s'accaparaient la logistique et les deniers de l'Etat pour réaliser leurs fantasmes et satisfaire leur ego. Ces derniers font mine d'ignorer la nouvelle donne économique et les bouleversements en cours qui rendent inconcevable le statu quo. Aujourd'hui, aucune industrie cinématographique ne peut s'imaginer en dehors des règles de l'économie de marché. Toute réflexion sur la cinématographie doit prendre en compte cette réalité dans l'environnement d'une activité qui, plus que jamais, ignore les frontières. La législation ambitieuse en gestation constitue un premier jalon. En franchissant ce premier obstacle, la ministre de la Culture n'est pas sans ignorer, qu'il n'est plus possible de reculer. Au courage politique, il faut adjoindre celui de financer les ambitions des créateurs. Cela nécessite de revoir en profondeur l'ensemble des rouages et plus particulièrement la pompe financière (Fdatic) qui alimente l'ensemble du système. Il faut songer à de nouveaux dispositifs, à de nouveaux mécanismes de financement et à de nouveaux partenaires. La collaboration de la télévision est essentielle, tout comme le sont les partenariats à l'échelle maghrébine et méditerranéenne. La distribution est l'acte majeur du financement du cinéma et son maillon déterminant. La priorité des priorités est donc de tout faire pour ramener le public vers les salles. Cette démarche n'est guère aisée, lorsque l'on sait leur état de délabrement, les conditions déplorables de projection et la qualité des films diffusés. Une politique de retissage du réseau, la construction de complexes et la prévision d'un système intelligent de soutien restent à envisager. Cela passe par la récupération et la restauration des salles existantes, mais aussi par la construction de nouvelles et cela en encourageant les investisseurs privés et les distributeurs par des mesures fiscales et des tarifs douaniers encourageant l'importation de copies et surtout la production. Si les outils essentiels à la relance ne sont pas mis en place pour permettre au cinéma d'exister, de se renforcer, de reconquérir son public, demain la domination culturelle de notre société par des images venues d'ailleurs, situation déjà largement entamée, sera totale. Pourquoi ne pas envisager des états généraux du cinéma et l'instauration d'une directive cinéma ? PANORAMA : Les RETROUVAILLES Organisé du 20 au 27 mars par le ministère de la Culture, à Riadh el Feth, le Panorama a présenté l'ensemble des oeuvres réalisées en 2007 dans le cadre d'Alger, capitale de la culture arabe. Environ 20 longs métrages de fiction, 15 courts métrages et téléfilms et 30 documentaires ont été programmés. Les trois jurys composés de personnalités du cinéma, de la culture et des médias (Algérie, France, Italie, Maroc, Tunisie, Palestine), doivent décerner aujourd'hui pour chaque catégorie le Prix du meilleur film, celui du meilleur scénario et le Prix spécial du Panorama. Ces retrouvailles de la profession ont été ouvertes par un hommage émouvant au réalisateur Bouamari, décédé l'an dernier, et s'achèvera par la projection hors compétition du film Indigènes. A noter qu'en marge, un séminaire de deux jours sur l'état du cinéma en Algérie a été organisé par l'ARPA ainsiqu'une journée Cinéma et patrimoine par l'AVA.