Quand un modèle prédit qu'il y aura 10% de pluie en moins sur le bassin méditerranéen, ce chiffre est utile dans une perspective de développement global, mais il est trop général pour être intégré dans une politique publique locale », explique Mohamed Senouci, climatologue à Oran et membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. « Car à l'échelle d'une ville ou d'un bassin versant, le chiffre peut varier de manière importante. » Pour affiner les évaluations, plusieurs travaux sont en cours, dont le projet CIRCE qui est le plus ambitieux projet de recherche sur le changement climatique en Méditerranée. Il réunit exactement 62 institutions de recherche en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Financé par l'Union européenne, il s'étalera sur quatre ans. « Alors que la “maille” d'étude des modèles qui existent actuellement est d'environ 300 kilomètres, nous voulons la ramener à une vingtaine de kilomètres », précise-t-il. L' association de recherche Climat Environnement, dont Mohamed Senouci est aussi président, a rejoint ce consortium. « Nous avons choisi de nous impliquer à travers l'analyse du littoral oranais », précise-t-il. « Un cas d'étude intéressant pour ses points noirs : il abrite deux ports importants et subit une pression humaine considérable. En été, les touristes locaux suffisent à saturer le littoral. » CIRCE vise donc, non seulement, à dire comment le climat va évoluer dans 25 ans à une échelle très locale, mais aussi à analyser ses impacts socio-économiques (sur l'agriculture, les forêts et les écosystèmes, la santé humaine et la qualité de l'air, le tourisme...). « On sait par exemple qu'il y aura de plus en plus de phénomènes extrêmes, mais tout ce qui est indirect, non visible, nous échappe encore, ajoute le climatologue et les impacts peuvent être considérables. Prenons le cas d'Oran, si le réchauffement entraîne une prolifération de méduses à proximité de certaines plages, quel sera l'intérêt de construire un complexe touristique à cet endroit ? Cela soulève des problématiques nouvelles… » C'est aussi une des missions de CIRCE : développer une approche intégrée destinée à comprendre les effets combinés du changement climatique. En d'autres termes, comprendre ce qu'il entraîne mais aussi de quelle manière nous agissons sur lui. « Développer des stratégies touristiques en imaginant qu'un estivant consomme la même quantité d'eau qu'un résidant à l'année est une erreur, il consomme quatre fois plus ! »