L'accusé affirme avoir couru après l'agresseur que personne n'a vu et qui en fait n'existait pas. Par une journée d'été de juin 2002, la petite unité de soins active dans la quiétude du monde montagnard. Elle aide, tant bien que mal, à désengorger l'hôpital de Kherrata. Pansements, injections… l'activité y est assurée par un infirmier qui est à la fois le responsable. La mi-matinée, l'unité a accueilli son 14e patient pour des soins ordinaires. Ce jeudi, la liste en restera là. Le 15e patient n'en sera pas un vraiment. a 10 h, des cris se font entendre de plus en plus fort derrière la porte de la salle de soins. Un homme se faisait poignarder à ce moment-là. La porte s'ouvre brusquement, soudain un jeune homme, la trentaine non bouclée, surgit ensanglanté, tente quelques pas à l'extérieur et s'effondre par terre un peu plus loin. L'infirmier du paisible village Senadla, dans la commune de Draâ El Gaïd (Béjaïa), vient d'être assassiné sur son lieu de travail. Il tente de désigner son assassin à un villageois qui a accourru pour le secourir, vainement. Le tueur a pris la fuite, il s'est engouffré dans les ruelles du village. On cherche une voiture pour transporter la victime vers l'hôpital de Kherrata. Ce ne sera pas celle de B. H. Ce septuagénaire a une autre priorité « poursuivre l'agresseur », qu'il dit avoir vu. Il prend la route et traverse même un barrage de la gendarmerie. A Senadla, personne n'a vu cet assassin que B. H. a pretendu poursuivre. La cour criminelle de Béjaïa est convaincue qu'il s'agit en fait de la personne qu'elle a jugée dimanche dernier. B. H. a écopé, pour sa 3e comparution, de 10 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens. Le jour du crime, il était bien dans la salle de soins. Il ne le nie pas mais plaide non-coupable. « J'ai couru derrière l'agresseur », affirme-t-il. Ses explications n'ont convaincu ni les juges ni les jurés. Trois heures après les faits, il sera cueilli par la Gendarmerie nationale dans son domicile, inculpé de meurtre. Le mobile du crime ? On tente de le comprendre dans le témoignage de l'épouse du défunt : « Moins d'un mois avant l'assassinat, l'accusé a accompagné une femme pour une injection, et il a très mal pris le fait que mon mari ait fermé la porte de la pièce pour la lui faire. Depuis, il n'a cessé de le harceler. » B.H. s'en est sorti avec cinq ans de moins que le dernier verdict qui l'avait déjà condamné par la même juridiction à 15 ans de réclusion criminelle, avant que la cour suprême ne casse le jugement.