Aziz Djamel, ancien directeur de l'agence d'El Harrach, est revenu, hier, à la barre plus calme, mais avec les mêmes propos, peu convaincants, tenus la veille et qui ont provoqué la colère de la présidente du tribunal. Il commence par présenter ses excuses pour son comportement, avant de répondre aux questions. La juge lui demande d'expliquer le trou de 448 millions de dinars et 136 000 euros. « Comment ces sommes sortaient-elles de votre agence ? » L'accusé : « Ces sommes étaient versées à la caisse principale sur ordre du PDG. Je mettais les montants dans des sacs, dans lesquels je mettais les écritures. Celles-ci n'ont jamais été retournées. Pour moi ce sont des opérations normales. » La présidente cite parmi les noms de ceux qui venaient récupérer l'argent, Kebbache Ghazi, « je lui ai remis des sommes à plusieurs reprises. Il venait avec les agents de sécurité ». Aziz Djamel affirme ne pas se rappeler cependant de ces montants en dépit de l'insistance de la présidente à entendre de sa bouche ces sommes. « Ghazi était DG de Khalifa Airways, puis de Khalifa Construction. A quel titre venait-il prendre l'argent, puisqu'il n'avait aucune relation avec la banque ? » demande la juge. L'accusé : « Il ne venait pas comme ça, il passait tardivement, après le passage des convoyeurs pour transférer les versements à la caisse principale, sur ordre du PDG. » Une réponse qui exacerbe la présidente. Celle-ci fait signifier à l'accusé qu'il ne peut convaincre le tribunal du fait que les fonds suivaient les écritures, rappelant au passage les déclarations du caissier principal, Akli Youcef, qui affirmait recevoir les écritures sans fonds. La présidente interroge l'accusé sur les documents qu'il est censé recevoir après chaque transfert. Djamel Aziz déclare qu'il ne recevait rien. La juge réplique : « Ne me dite pas cela. Vous recevez un reçu de versement. » L'accusé : « Pour la clientèle, mais pour le transfert, c'est l'opération elle-même qui importe. » La juge insiste pour savoir si l'accusé a vérifié que l'argent est arrivé à la caisse principale. « Pour moi, s'il n'y a pas de rejet des écritures après 48 heures, cela voulait dire que les sommes sont arrivées à destination. » La magistrate lui fait savoir que ces écritures sont restées en suspens. L'accusé : « Je ne pouvais le savoir. Je ne suis que l'émetteur. J'envoie l'argent avec les écritures. C'est au destinataire de m'en faire part. » « Les cadeaux se faisaient avec l'argent des déposants » A la question de savoir si les personnes venues prendre l'argent étaient des convoyeurs de fonds, l'accusé tergiverse pendant longtemps avant de reconnaître qu'elles ne l'étaient pas . « Pourquoi alors leur avoir remis ces fonds ? » demande la magistrate. La réponse de l'accusé est toujours la même : « Ce ne sont pas des convoyeurs, mais elles passaient après le passage de ces derniers. » La présidente : « Il y a des choses que vous ne pouvez justifier qu'avec des propos convaincants. Soyez plus honnête, à quel titre accordez-vous des crédits allant jusqu'à 20 millions de dinars à des personnes qui n'ont même pas de compte dans votre agence ? » L'accusé : « Ce sont des prêts administratifs accordés sur ordre du PDG. » La présidente rappelle à Aziz Djamel ses propos devant le juge d'instruction et ceux d'autres accusés et témoins. « Vous avez accordé à Dahmani Noredine 9,5 millions de dinars », révèle la magistrate. L'accusé s'explique : « Dahmani était à Khalifa Airways. Il m'a ramené un ordre écrit du PDG pour lui débloquer le montant. Il y a eu deux versements. Le premier de 2,5 millions de dinars. » La juge : « Et les 4,5 millions de dinars ? » L'accusé : « Ce montant a été octroyé à Nanouche pour financer le logement de sa fille. Il était DG de Khalifa Airways. » Ce qui pousse la présidente à faire cette réflexion : « Même les cadeaux avec l'argent des déposants. » Elle demande à l'accusé si cette manière d'agir était pour lui légale. « Normal, cela se faisait sur ordre du PDG », répond-il, précisant que pour Nanouche, il y a eu deux sommes, la première pour financer le logement de sa fille et la seconde entrait dans le cadre d'un transfert de fonds. Il ne se rappelle pourtant pas de la deuxième somme. La présidente l'interroge : « Qui est Yacine ? » L'accusé : « Yacine Ahmed est un client de la banque. Il est PDG de Digromed. » La présidente attend plus de détails. Elle demande à l'accusé de parler des placements. Celui-ci reconnaît que Yacine Ahmed a placé un montant, dont il dit ne pas se rappeler au début avant de se ressaisir, de 325 millions de dinars. Il affirme avoir été mis en contact avec ce responsable grâce au directeur des finances (DFC) de Digromed, qui connaissait son adjoint, M. Demdoum. « Le DFC est venu pour savoir quels sont les avantages auxquels ouvrent droit les placements. Je lui fait une proposition d'un taux d'intérêt, qui était soit 10%, soit 20%. Je ne me rappelle pas. Après cette proposition, il a été reçu par le PDG et a accepté de placer l'argent. La convention a été signée par le DFC et moi-même en tant que chef d'agence. » La présidente insiste sur la relation existant entre Yacine Ahmed et l'accusé. Ce dernier fuit la réponse. La présidente : « Vous ne pouvez en aucun cas échapper à cette question. » L'accusé : « Je l'ai présenté au PDG. » La juge : « Quelle est la contrepartie de la convention ? » L'accusé : « Yacine Ahmed a demandé un crédit à signature lié à son activité. » La juge : « Qu'avez-vous pris ? » L'accusé : « Une fois qu'il a sollicité le prêt à signature, je lui ai dit que cela relevait du PDG et je lui ai pris rendez-vous. » Il reconnaît qu'au niveau de son agence, le seuil accepté des crédits est de 500 000 DA. « A la réunion avec le PDG, il y avait aussi Krim Smaïl, Yacine Ahmed et moi. La discussion a tourné autour de l'accord de principe pour le crédit à signature. » La présidente demande quel est le montant retiré par Digromed, après avoir placé les 325 millions de dinars. « Il y a eu un retrait de 200 millions de dinars. » La juge : « Et les intérêts ? » L'accusé : « Lorsqu'on fait un placement, il y a ceux de trois mois et ceux de 12 mois. Ceux de 3 mois, ils ne prennent rien. » La présidente : « Il a pris non seulement en dinars mais en devises. » L'accusé : « Si c'est un placement anticipé, oui. » La juge : « Et les intérêts ? » L'accusé : « Versés au compte de Digromed. » La juge revient à la question de la relation entre le patron de Digromed et l'accusé. Ce dernier persiste à affirmer qu'il n'a fait que mettre en contact le responsable avec le PDG, précisant qu'Ahmed Yacine avait un centre médico-social et à, ce titre, il était intéressé par une formation. « Lui avez-vous rendu visite à son bureau ? », demande-t-elle. L'accusé : « Oui, mais après le placement des fonds pour la signature du crédit à signature. » La présidente veut des explications sur le fait que ce soit dans le bureau du PDG de Digromed que la signature de la convention s'est faite. « C'est un client de la banque et j'ai été avec son directeur financier », révèle Djamel Aziz. La présidente le relance sur le chèque encaissé à El Harrach. L'accusé : « Il avait apporté un chèque de Khalifa Airways et il a été payé. Le montant a été versé à son compte. » La présidente : « Il a dit que vous lui aviez remis 140 millions de dinars, soit 80% de toute l'opération. » L'accusé : « J'ai versé le montant à son compte. » Il révèle avoir servi d'intermédiaire pour de nombreuses autres sociétés publiques, dont la société des eaux minérales d'El Harrach qui a placé 80 millions de dinars à un taux d'intérêt de 8%. La magistrate revient sur la question de Zerrouk Djamel et l'accusé affirme lui avoir remis, « dans le cadre du transfert de fonds », une somme de 120 millions de dinars sur instruction du PDG. « Comment un banquier comme vous, licencié en finance, puisse-t-il accepter de remettre des sommes à des personnes sans aucun document ? » L'accusé : « Les écritures accompagnaient à chaque fois ces sommes, mais en plus ces montants étaient donnés sur ordre du PDG. » La juge : « Ordre verbal... » L'accusé : « Ecrit et en bonne et due forme, mais sans le cachet. Parfois, il m'appelait par téléphone. » La juge : « Si vous étiez au CPA et que le PDG vous demandait cela, accepteriez-vous ? » Fuite en avant L'accusé : « Ce n'est pas la même chose. Les pratiques diffèrent. » Il précise que, pour lui, ces opérations sont sécurisées, enregistrées et comptabilisées. « Mais les personnes auxquelles vous avez remis l'argent sont étrangères à la banque », note la magistrate. Celle-ci revient sur les biens de l'accusé. Il affirme avoir habité dans un appartement en location au quartier Les Dunes à Chéraga avant d'acheter, en 2000, un terrain de 110 m2 pour y construire en 6 mois trois étages, avec une clinique dentaire et un centre d'hémodialyse, avec des équipements ultramodernes. C'est au prix d'un effort colossal que la présidente a réussi à arracher quelques informations déjà contenues dans les rapports du juge d'instruction, après la déposition de l'accusé. « Le centre d'hémodialyse appartient à ma femme, mon frère et ma mère. » Il ne se rappelle pas du nombre des machines d'hémodialyse qui, selon lui, pourrait atteindre 7, mais la juge lui rafraîchit la mémoire : « 12, sans compter celles de rechange. » La magistrate s'interroge comment, en 8 mois, un responsable peut-il passer d'une location d'un appartement à deux cliniques en exhibant la photo de celles-ci. Elle lui demande son salaire. « 50 000 DA à l'époque. J'ai demandé un prêt administratif de 2 millions de dinars. Cette somme m'a permis d'acheter un terrain à 1 million de dinars et mon frère, entrepreneur, m'a aidé à construire rapidement. Je suis issu d'une famille aisée et ma femme qui est dentiste avait une activité », dit-il. La magistrate revient au sponsoring et interroge l'accusé sur Mouassi Idris. L'accusé : « C'est le PDG du centre de thalassothérapie de Sidi Fredj. Il est client à El Khalifa Bank et détient un compte. Il m'a dit qu'il voulait améliorer la qualité de ses services à travers le financement d'achat d'équipements, parasols, chaises, tables..., en contrepartie de la mise à disposition de Khalifa, 3 locaux pour KRC, Khalifa Airways et la publicité pour le groupe. » La présidente veut savoir qui a signé la convention et l'accusé se dérobe à plusieurs reprises, avant d'être secoué par la présidente. « Je veux juste connaître qui a signé. » L'accusé : « Moi-même. » La présidente : « En tant que qui ? » L'accusé utilise le même procédé. La fuite en avant. Il refuse de révéler que la signature a été faite par ses soins en tant que directeur de l'agence d'El Harrach. Il se défend à chaque fois en affirmant qu'il s'agit d'un projet de convention, non concrétisé, en attendant d'être signé par les autres structures. La présidente lui demande alors pourquoi il était chargé de la distribution des cartes de membres de thalasso. « C'est une des dispositions du centre de thalasso. Ce n'étaient que simples cartes d'accès », dit-il. La présidente fait remarquer que cette carte est un abonnement annuel de 120 000 DA et, à ce titre, elle lui demande s'il ne s'agit pas de la contrepartie de placements. « Il n'y avait pas de placements. Il voulait améliorer les prestations de service du centre. » Le procureur général intervient et fait remarquer à l'accusé que plusieurs témoins des PDG d'entreprises publiques, convoqués pour la confrontation, affirment que c'est lui qui servait d'intermédiaire pour le sponsoring. Djamel Aziz conteste, puis revient sur ses propos, expliquant que cela entrait dans le cadre des opérations de marketing de la banque. Le procureur général : « Tous ces responsables n'avaient pas de compte à Khalifa et l'ouverture de ce dernier était la troisième condition du sponsoring. » L'accusé : « Ils avaient déjà un compte. » Le magistrat relit à haute voix le contenu de la convention avec le centre de thalassothérapie, qui stipule l'octroi de deux cartes d'abonnement annuel à deux cadres dirigeants du groupe Khalifa, dont Aziz Djamel. « Un directeur d'agence peut-il être considéré comme un cadre supérieur ? » L'accusé ne cesse de ressasser qu'il ne s'agit que d'un projet qui n'a pas vu le jour. « A quel titre est-ce vous qui avez signé la convention ? », répète le ministère public. « Dans le cadre du marketing », répond Aziz. Le procureur général : « Qui a établi la liste des bénéficiaires de la prise en charge au centre de thalasso ? », interroge le magistrat, en précisant vouloir une réponse précise. L'accusé : « Ils nous ont dit… » Le magistrat : « Je veux une réponse précise. » L'accusé : « Mon adjoint et moi. » Le magistrat : « Vous voulez dire vous puis votre adjoint. » L'accusé fait remarquer que c'est « kifkif » (la même chose). Il dit ne pas se rappeler des noms ni du nombre des personnes inscrites, mais le procureur général lance : « Les responsables de la Cnac, Cnas, Casnos, etc. », avant d'interroger l'accusé sur la partie qui prenait en charge financièrement les personnes détentrices de ces cartes. « Ce sont ces personnes qui paient. » La présidente abonde dans le même sens et demande à l'accusé qui finance la prise en charge. Djamel Aziz persiste dans sa réponse, provoquant l'ire de la juge. « Pour la dernière fois, qui finance ces cartes ? » L'accusé : « Ce sont nos clients, ils voulaient améliorer… », dit-il avant d'être stoppé net par la magistrate. « A quel titre ouvriez-vous la voie aux PDG de grandes entreprises publiques et donniez leurs noms pour l'acquisition de cartes d'abonnement, eux qui peuvent les avoir à un prix symbolique au niveau de la sécurité sociale ? Est-ce qu'ils sont venus vous le demander ? », lance-t-elle. L'accusé : « C'était une liste nominative de nos relations commerciales. » La présidente : « C'est ce que nous appelons en droit l'enrichissement sans cause. » L'accusé : « Les responsables du centre nous a demandé de donner des noms de gens respectables, pour bénéficier des soins. Nous l'avons fait. » La juge : « Vous reconnaissez avoir rédigé donc cette liste. Vous auriez pu commencer par votre personnel. Pourquoi faire le tour du territoire national pour leur donner ces noms. » L'accusé : « Ce sont eux qui ont demandé de leur transmettre les noms des gens intéressés par leurs prestations de services. » Le procureur général revient à la charge : « Vous avez déclaré avoir remis à Nanouche 9 millions de dinars. » L'accusé : « C'est un transfert de fonds normal. » Le magistrat demande si Nanouche était un convoyeur de fonds. L'accusé met longtemps pour finir par lâcher : « Non. » Le procureur général précise que Abdelhafid Chaâchouâ, DG de KGPS, avait 900 convoyeurs, pourquoi remettre les sacs d'argent à Mentouri (feu), Nanouche, Ghazi Kebbache, Zerrouk Djamel. « J'ai dit que ces gens étaient envoyés sur ordre du PDG. Ils ont récupéré les fonds, le reste ne me concerne pas. Seulement, ils passaient après le convoyage par KGPS, généralement en fin de journée, afin de ne pas laisser l'argent dans la caisse », révèle Djamel Aziz, précisant avoir montré toutes les instructions écrites de Moumen et les accusés de réception. « L'argent ne partait pas à la caisse principale, ce que vous dites est illogique », déclare le procureur général. L'accusé : « J'ai envoyé les écritures à la caisse, c'est à celle-ci de s'en inquiéter. » Le magistrat rappelle à l'accusé les propos de Chaâouchâ, selon lequel les montants qu'il a ramenés de l'agence étaient emmenés au bureau du PDG. « Je ne l'ai su qu'ici à l'audience », clame-t-il. Le procureur l'interroge sur les montants remis à Kebbache Ghazi. Il affirme ne pas se rappeler, mais c'était à plusieurs reprises. Le procureur général : « Yacine Ahmed, qui est-il ? » L'accusé : « Le patron de Digromed. Il voulait placer 325 millions de dinars en contrepartie d'une formation à Khalifa Airways. » Le magistrat insiste pour connaître les autres avantages que l'accusé refuse de révéler, poussant le procureur à déclarer : « Ce qui était donné sous la table. Combien vous lui avez-donné ? » L'accusé : « C'était un chèque de 4,2 millions de dinars pour le financement de la formation. » Le magistrat : « Les 8 millions de dinars ? » L'accusé répond que c'est toujours pour la formation. « Mais il n'y a jamais eu de formation », rétorque le procureur général, mais l'accusé persiste à dire qu'elle a eu lieu. « Est-ce que ce montant versé, sous le prétexte de formation, représente en fait les intérêts des placements de la société ? » demande le ministère public. L'accusé maintient ses affirmations, et le procureur précise que cette formation était fictive. Il note même que le fils du patron de Digromed était à Khalifa Construction. Révélation que l'accusé dit n'avoir pas su, tout comme il n'a pas su qu'il avait une autre activité commerciale. L'accusé maintient qu'il a signé la convention avec le centre de Thalassothérapie en tant que directeur de l'agence d'El Harrach, mais le procureur général fait savoir qu'il est présenté dans le contrat comme représentant du groupe. « C'est le PDG qui m'a demandé de signer en attendant que les autres structures en fassent de même », explique Djamel Aziz. Le procureur général fait remarquer à l'accusé qu'il a tenté de minimiser les cartes de thalassothérapie, les présentant comme des cartes d'accès à 5 DA, alors qu'il s'agit d'un abonnement annuel de 120 000 DA qui ouvre droit à « des massages, douches, sports, remise en forme et tout au long de l'année. Les cartes d'accès ne sont valables que pour la plage ». « C'est une instruction du pdg » Après cette mise au point, le magistrat demande à l'accusé le montant payé par l'agence d'El Harrach. Djamel Aziz : « 2,5 millions de dinars. » A la question de savoir sous quel chapitre cette somme a été inscrite, la réponse n'est pas donnée. Il esquive pendant longtemps la question relative aux clauses de la convention jusqu'à ce que la présidente décide de les lire à haute voix. « C'est un projet, il n'a pas été concrétisé », ne cesse-t-il de clamer. Le procureur général rappelle que Louh Brahim, de Naphtec, a déclaré que c'est l'accusé qui l'a contacté pour lui remettre la carte de Thalasso. « Je ne me rappelle pas », insiste-t-il. Le magistrat : « Benameur de la mutuelle de l'éducation a dit la même chose à votre sujet. » L'accusé : « Je leur ai remis juste des imprimés. » Le magistrat : « Bourahla, le PDG de la société d'eau minérale, a révélé avoir placé 70 millions de dinars et vous lui avez remis une carte. » L'accusé : « Sur proposition de Thalasso, celui qui veut prendre une carte, il est servi, et c'est à lui de payer après. » Le magistrat revient en arrière et pousse l'accusé à dire que la liste était faite soit par lui soit par le centre de Thalasso. « Comment les responsables de Thalasso peuvent-ils connaître vos clients ? » L'accusé : « Ils nous demandent des noms de personnes respectables, même des privés qui n'ont pas de compte à Khalifa, on leur donne. » Le magistrat persiste et demande après les noms de Alioua Abderrahmane et Mehrez Belkacem. « Ce sont les patrons du fonds de garantie et de la CNAC », dit-il. Le magistrat note que ces noms se trouvent sur la liste des 32 personnes membres du club de Thalasso. « Sadmi Ali, qui est-ce ? », demande le procureur. « Je ne connais pas », réplique l'accusé. « Vous lui avez remis une carte de 120 000 DA le mois et non pas celle de 5 DA », lance le magistrat. « J'étais directeur d'une agence, je ne m'occupais pas de cela. » Le magistrat : « Et Bouterfa Noreddine, vous connaissez ? » L'accusé : « Le PDG de la société d'engineering de Sonatrach, il voulait faire un placement de 100 millions de dinars. » Le magistrat : « Beaucoup plus. » L'accusé : « Dans mon agence, j'ai 100 millions de dinars ; ailleurs, je ne sais pas. » L'accusé nie au début sa relation avec Bouterfa, mais finit après être acculé par le procureur par affirmer que sa femme et celle de Bouterfa se connaissaient. Elles sont tantes. Les deux dentistes travaillaient ensemble. Il nie être au courant de l'identité de la personne qui a vendu le terrain à Khalifa Construction de 702 m2 à Semar. Mais le procureur général lui rappelle que c'est lui qui a servi pour trouver un vendeur, et qui était l'épouse de Bouterfa. Il se contredit après en déclarant que Bouterfa lui en a parlé sans lui donner le montant de la transaction. La présidente reprend l'interrogatoire et questionne l'accusé sur les sommes remises à Dahmani Noreddine. « Le PDG m'a appelé pour donner un prêt administratif à un agent de Khalifa Airways », dit-il en expliquant que la procédure était « normale, du fait qu'il a exprimé un besoin ». La présidente : « Sans aucun document ni garantie. » L'accusé : « C'est une instruction du PDG. 15 jours après, je lui ai ouvert un compte à mon agence et versé le montant de 2,5 millions de dinars. » La présidente fait remarquer que Dahmani a déclaré n'avoir jamais eu de compte et n'avoir rien remboursé. « Il avait un compte... », lance-t-il. La magistrate conteste : « Il est parti le voir pour lui demander d'inscrire vos amis à l'école de formation de steward », lance sèchement la présidente. Elle revient à la liste des bénéficiaires des cartes de thalasso en précisant à l'accusé qu'elle n'accepterait plus « les réponses non précises ». Elle fait savoir que la liste qu'elle détient comporte 39 noms devant lesquels il y a les noms de sociétés. « Est-ce que ces personnes ont toutes des comptes à El Harrach ? », demande la juge. L'accusé : « Certaines oui, d'autres non, il y a même des privés. » La magistrate indique qu'elle comprend pour les clients, « mais et les autres ? » L'accusé : « Normal, ce sont les liens d'amitié et ce sont eux qui se prennent en charge. » Des propos qui irritent la juge au point de déclarer à l'accusé qu'il est mal conseillé, du fait que ses réponses ne le mèneront nulle part. L'accusé persiste à déclarer que les cartes n'étaient pas prises en charge par Khalifa et qu'il ne faisait que demander des photos pour faciliter l'octroi des cartes d'accès. « Comment pouvez-vous dire cela, alors que j'ai sous les yeux une liste comportant Bourahla Hamid 22 séances, Ouandjeli 12 séances, Smati 10 séances, Koudil 1 séance, Aoun Ali 6 séances. Pourquoi la thalasso s'amuse-t-elle à inscrire le nombre de séances de remise en forme si ce n'est pas pour vous le transmettre ? », interroge la présidente. L'accusé est catégorique : « Jamais ! », dit-il, poussant la présidente à faire cette réflexion : « Continuez à adopter cette position, vous êtes mal conseillé ! » Elle lui rappelle que la facture de ses soins a dépassé des centaines de millions de dinars, que Khalifa n'a pas payée. A ce jour, le centre réclame son argent. L'accusé lâche : « C'est la vérité ! » La présidente : « Les Algériens connaissent la vérité. » Elle cite les clauses de la convention et lui demande s'il a pris une carte. « Oui, comme tout le monde, mais je ne l'ai pas utilisée. » Le procureur général revient à la charge. « Qui est Ouandjeli Mohamed ? » L'accusé affirme qu'il s'agit d'un client de la banque. Il nie connaître Chouiter Djameleddine, alors que le procureur général affirme qu'il lui a remis une somme de 3 millions de dinars. « C'est possible », répond Djamel Aziz. « Vous lui avez remis 3 cartes », rétorque le magistrat. « Je ne sais pas... », déclare l'accusé. Ce dernier affirme avoir remboursé 1,4 million de dinars sur la somme de 2 millions de dinars qu'il a prise en crédit, mais en 2003. Le magistrat fait remarquer à l'accusé que Djamel Zerrouk et feu Mentouri ont nié avoir pris de l'argent d'El Harrach. « Je l'ai remis sur instruction du PDG », répond Djamel Aziz, en précisant la somme de 120 millions de dinars. « Ils prenaient ce qui les voulaient, mais moi j'ai donné à Sakina Tayebi Nanouche, Krim Smaïl, Chaâchouâ de l'argent », déclare-t-il. La présidente reprend les questions : « Etes-vous un démarcheur commercial du groupe ? » L'accusé : « Oui, mais pour l'agence. J'encourage les patrons de sociétés à ouvrir des comptes et à placer leur argent à Khalifa. » La magistrate signale qu'il a signé en tant que représentant du groupe. « Dans le cadre d'un projet qui n'a pas été concrétisé. Cela n'a aucune incidence financière », explique l'accusé. La juge : « La facture de thalasso, n'est-ce pas une incidence ? » Elle fait remarquer que le centre est aujourd'hui présent en tant que partie civile du fait du préjudice qu'il a subi, avant de donner la parole aux avocats. Me Meziane, représentant El Khalifa Bank en liquidation, s'intéresse aux écritures entre sièges (EES) et veut savoir si celles-ci lui revenaient après le transfert des fonds. « En principe oui », dit-il. Pour ce qui est des prêts administratifs, l'accusé affirme qu'ils sont octroyés par la direction générale de la banque, Me Benachour tente de montrer que les transferts n'ont jamais été contestés. Me Ablaoui interroge l'accusé sur le montant remis à Tayebi Sakina. « Le PDG m'a envoyé la carte de visite de Tayebi, au verso de laquelle il m'a fait injonction de lui octroyer un prêt administratif d'un montant de 6,5 millions de dinars. J'ai versé ce montant sur son compte. » « Le 32e sur la liste » L'avocat du PDG de Saidal, Ali Aoun, se voit refuser une question du fait que son mandant n'était pas dans la salle. La présidente précise alors que les accusés, poursuivis pour des faits délictuels comme Ali Aoun, doivent être dans la salle. La magistrate revient à la convention avec le centre de thalasso. « Je l'ai proposé au PDG, il l'a acceptée. J'ai signé en attendant les autres structures », dit-il. Il affirme que le montant de cette opération est de 2,5 millions de dinars ayant servi à l'achat de chaises, tables, parasols, chaises longues... « La convention ouvre droit à titre de cadeau à des cartes aux membres dirigeants. » « J'ai ici une facture de l'ordre de 3,840 millions de dinars laissée en ardoise, relative à l'utilisation de ces cartes. » L'accusé : « S'il y a une facture, je n'en sais rien. » La magistrate interroge l'accusé sur Aziz Lakhdar. « C'est mon frère », répond-il. « Il est le 32e sur la liste », note la juge. Le procureur général précise que le PDG de l'Enaorg, figurant sur la liste des 32, a déclaré que c'est l'accusé qui lui a remis la carte. Djamel Aziz nie catégoriquement. Il affirme que les crédits octroyés au niveau de l'agence ne dépassent pas le seuil de 500 000 DA. Le magistrat note que Ali Aoun n'avait pas de compte courant à l'agence. « Si, il avait un compte de Saidal, un compte courant, pas d'exploitation. Il a fait un placement de 100 millions de dinars », répond l'accusé. Le magistrat lui rétorque : « Le montant est beaucoup plus élevé. » L'accusé finit par avouer qu'ils ne dépassaient pas à son niveau les 11%, alors que le taux d'intérêt accordé aux emprunteurs se situe, selon lui, entre 8,5% et 9%. Ce qui fait bondir Me Ksentini. « Cela voudrait dire que la banque fonctionne à perte ? » Le procureur général l'interroge sur les placements des caisses. Dix millions de dinars, placés par le PDG de la CNAS, qui est membre du conseil d'administration du thalasso, 185 millions de dinars déposés par Mehrez, PDG de la CNAC, qui a eu une carte de thalasso, 12 millions de dinars placés par le PDG de la Casnos et Boubedra Hassen. Le procureur général rappelle que tous ces responsables ont bénéficié de la fameuse carte d'adhérent à la thalasso. La présidente appelle Akli Youcef, le caissier principal, pour une confrontation et il confirme que les écritures transmises par l'agence El Harrach, soit par courrier ou par porteur, n'ont jamais été accompagnées de fonds. « Je ne pouvais les déboucler, je les laissais en suspens. J'en ai parlé au PDG, il m'a dit qu'il allait les justifier, mais rien », précise Akli Youcef. Selon lui, si Aziz Djamel avait besoin de convoyeurs à n'importe quel moment de la journée, il les aurait envoyées. Djamel Aziz : « Je ne pouvais pas savoir que l'argent partait ailleurs. » La présidente insiste auprès d'Akli pour savoir s'il recevait les écritures après, le poussant même à dire au sujet de l'accusé : « Yfahem rouhou » (qu'il s'explique). » La présidente en finit avec Djamel Aziz et appelle Djamel Zerrouk, ancien administrateur de Khalifa Airways. Avant, il a travaillé depuis 1985 à la BDL, avant de rejoindre, le 15 mai 1999, le groupe Khalifa. La juge fait savoir à l'accusé que Aziz Djamel a déclaré lui avoir remis 120 millions de dinars pour les remettre à la caisse principale. Ce que l'accusé dément formellement et dit ne pas arriver à comprendre. Il reconnaît cependant avoir bénéficié de plusieurs prêts sociaux dont le premier en 2001, d'un montant de 800 000 DA, suivi de 300 000 DA, puis 200 000 DA, puis deux millions de dinars, en 2002. Selon lui, cette somme était pour l'achat d'une « vieille bâtisse ». La présidente : « Une belle villa », lance-t-elle en exhibant la photo d'une maison de 3 étages à Chéraga. « Je l'ai restaurée. Elle est située au milieu d'un bidonville sur la route de l'ancien tribunal », répond l'accusé Pour les deux millions de dinars, il dit ne pas se rappeler si c'est le PDG ou Sakina Tayebi qui a fait l'offre, parce qu'il était sur le point d'introduire une demande de prêt à la CNEP. « Quelles en sont les garanties ? », demande la juge. « Aucune. C'est un prêt social que je remboursais », explique l'accusé. La présidente lui demande dans quel intérêt Aziz Djamel déclare qu'il lui a remis 120 millions de dinars. « En 2003, la rumeur a circulé sur ma fuite à l'étranger. J'ai été voir M. Benouari qui s'occupait de Khalifa à l'étranger pour lui en parler et il m'a orienté vers le liquidateur. C'est à ce moment-là que Aziz m'a cité, mais quand je suis rentré, tout était cosigné », déclare l'accusé, qui révèle que son salaire à la BDL était de 35 000 DA et à Khalifa Airways 80 000 DA, puis 150 000 DA. Il indique également qu'il avait été mis sous contrôle judiciaire dans une autre affaire, liée au transfert d'un million d'euros par Khalifa Airways via la banque extérieure d'El Khelabi. Il déclare qu'à la BDL il a eu un passage assez houleux, du fait qu'il était, selon lui, l'initiateur des poursuites contre le fameux Lahed, un client de la banque, proche de Nanouche, alors lui aussi à la BDL. « J'avais remarqué que les responsables lui accordaient des crédits non causés. J'ai été à la brigade économique et je les ai dénoncés. L'enquête s'est avérée fructueuse, puisque les responsables ont été sanctionnés. En 1988, j'ai été installé à la tête de la BDL par les services de sécurité à cause des problèmes avec Nanouche. J'ai été derrière la mise en prison de 2 faux colonels, d'un faux capitaine et d'un faux lieutenant », dit-il avant d'être interrompu par le procureur général. « Je pense savoir ce que vous avez fait lorsque Moumen est venu prendre le crédit de la BDL de Staouéli ? » L'accusé : « Je n'étais pas là-bas. » Le procureur lui demande pourquoi, a-t-il mis sa villa au nom de son épouse. « J'adore ma femme. Nous avons 27 ans de mariage. Elle est merveilleuse pourquoi voulez-vous que je ne la mette pas à son nom ? » L'accusé et pour se présenter comme quelqu'un qui ne peut assurer le transfert de l'argent, déclare que Moumen le qualifie souvent « de FLN, ancien système » parce qu'il refusait certaines choses. Il affirme avoir remboursé les 800 000 DA de prêt avec des ponctions sur son salaire qui était à l'époque de 80 000DA. « Même si vous donniez intégralement votre salaire, vous ne pouviez compléter la somme de 800 000 DA en six mois », rétorque la juge. La magistrale appelle une seconde fois Aziz Djamel, et ce dernier persiste à affirmer avoir remis à Zerrouk la somme de 120 millions de dinars. « C'est le patron qui m'a appelé au téléphone et m'a donné instruction de lui remettre la somme », clame-t-il. La présidente fait remarquer que Akli Youcef a également affirmé que les écritures d'El Harrach venaient sans fonds et que le défunt Mentouri Messaoud a confirmé qu'il lui remettait des sacs d'argent. « Je suis formel, je les ai remis à Zerrouk », dit-il. La présidente met un terme au débat, pour reprendre mardi prochain avec l'audition des témoins à charge et qui n'étaient pas présents à l'audience d'hier.