La nouvelle star montante de la scène politique libanaise, Ibrahim Kanaan, est venue défendre à Paris la thèse de son courant politique : « il faut penser à des réformes politiques au lieu de se fixer sur la présidentielle. » Le quadragénaire député du Courant patriotique libre (CPL) appelle à la réconciliation nationale. Propos recueillis à Paris Le Liban traverse sa énième crise politique. Le pays se trouve sans président depuis des mois et toutes les tentatives ont échoué. Quelle est, selon vous, la sortie de crise ? Avant chaque échéance essentielle, législative ou présidentielle, nous décidons d'ignorer les choix politiques. On nous demande de voter et ensuite de discuter des programmes politiques. Il faut inverser les rôles. Nous avons besoin d'un débat politique franc entre Libanais. Tout autre choix, qui prend en compte les intérêts des axes régionaux et non ceux du Liban, sera une occasion manquée. Et on paiera cher le prix du divorce et du conflit. Le Liban traverse une crise de système et non d'homme, fut-il providentiel. Il faut une politique globale, des réformes. Nous devons passer par une période de transition avec un gouvernement intérimaire et changer la loi électorale pour repartir sur des bases saines. Vous êtes un proche du général Aoun, on vous dit trop ami avec la Syrie, que vous êtes le pion de Damas au Liban, que votre entente avec le Hezbollah est stratégique… Nous sommes souverainistes depuis 16 ans. Nous avions décliné les maroquins ministériels qu'on nous tendait, nous avions choisi l'exil, parfois la mort. Toutes les factions ont eu des relations privilégiées avec l'extérieur. Aujourd'hui, il s'agit d'avoir des relations entre nous. Je vous raconte une anecdote. Il y a quelques années, j'ai été reçu au Parlement anglais lors de mon exil. Les députés me demandaient si j'étais pro-israélien ou pro-syrien. Je leur ai répondu que j'étais pro-libanais. Ils me répondaient que le Liban n'existe pas ! Je leur ai répliqué que c'était là le problème, qu'il fallait de nouveau le faire revivre. Pour vous répondre clairement, notre agenda politique n'a rien à voir avec la Syrie ou toute autre puissance extérieure. Qui doit déterminer de l'agenda libanais sinon les Libanais ? Il faut arriver à des compromis entre toutes les factions. L'alliance avec le Hezbollah n'est pas une alliance entre chiites et chrétiens, entre Michel Aoun et Nassrallah. C'est une opportunité pour réunir tous les Libanais. Pour nous, c'est cela le souverainisme Vos adversaires vous accusent de faire durer le vide présidentiel par votre non-participation et que, par conséquent, vous jouez un rôle dans la marginalisation des chrétiens ? Drôle d'accusation ! Il y a eu un président maronite pendant 18 ans. Aujourd'hui, on nous dit que si on élit un président maronite tout sera réglé, comme ça d'un coup de baguette magique. C'est contraire à ce que nous a enseigné l'histoire. Les choix politiques se font avant l'élection d'un président, pas après. Nous réclamons une loi électorale. Qui peut nous garantir qu'elle sera promulguée après l'élection ? Nous avons demandé à tout le monde des assurances, même au patriarche maronite. Réduire le problème à la simple élection c'est perpétuer les problèmes. Oui, il y a un grand vide chrétien politique très grave. On ne peut pas faire une entente sur un individu et faire une impasse sur la crise politique. Le consensus observé autour du général Michel Sleimane répond à des agendas français, saoudien, américain. Mais est-ce celui des Libanais ? Comment analysez-vous le dernier échec du sommet arabe ? Il n'y a aucune relation entre le sommet arabe et le Liban. Les divisions interarabes ont été confirmées lors de ce sommet, si besoin était. L'initiative arabe a besoin d'un climat, d'une solidarité arabe, d'une entente arabe. Ce n'est pas le cas. Est-ce à nous, Libanais, de désigner Amr Moussa pour aller réconcilier les Arabes entre eux ? La crise libanaise est liée à nos intentions et actions, nous Libanais. Il y a une crise institutionnelle et constitutionnelle. Le Liban ne doit plus être une addition de communautés mais une nation.