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Lemdjaz, un village sur la route de M'Sila
Le néant pour décor
Publié dans El Watan le 06 - 04 - 2008

Lemdjaz, village enserré dans les profondeurs acérées du relief des monts du Hodna, émarge pour une partie, depuis août 1998, dans la wilaya de M'Sila, et l'autre partie demeurant sous l'égide de la wilaya de Bordj Bou Arréridj.
Les habitants de cette contrée vivent, depuis, une situation de dualité quant à son appartenance pour l'une ou l'autre des deux wilayas, confinant la population dans une certaine ambivalence qui compromet l'existence même dans ce village. Explicitant cette ambivalence, comme se plaisent à le répéter des jeunes de ce village, en disant que cette population appartient à M'Sila pour ce qui est du vote et à Bordj Bou Arréridj pour le paiement des factures de Sonelgaz. C'est toute la tragique situation d'une population de 1000 habitants, qui, perdant tout repère, s'en est trouvée livrée aux affres de l'enclavement et manquant de tout, sans qu'aucune autorité ne réagisse à leurs doléances. Preuve en est, les correspondances adressées aux autorités de la wilaya de M'Sila, datant de l'année 1999, sont toujours d'actualité et révèlent les mêmes insuffisances constatées au courant de la semaine écoulée. C'est en quittant la RN45 au point du barrage fixe de la Gendarmerie nationale et empruntant le chemin récemment bitumé et s'engouffrant dans la profondeur du territoire, qu'on découvre ce village perdu dans un milieu ayant le néant pour décor. On avait l'impression que la population avait de tout temps vécu en autarcie au milieu des profondes stigmates du relief hodnéen, n'était cette route, qui, se substituant avec le temps en rustique sentier, apparaissant par endroit et s'enterrant par endroit dans ces même stigmates, nous renseigne sur le fait qu'elle était la première route ayant relié M'Sila à Bordj Bou Arréridj au début du siècle dernier, avant le changement de son tracé matérialisant la RN45 actuelle. L'imposante bâtisse blanche au milieu d'un environnement hostile, représentant la gare et ses dépendances implantées à Lemdjaz, indique que le village n'est pas aussi perdu que d'aucuns le pensent à première vue et va plutôt constituer un point de passage important dans le tracé de la pénétrante reliant la rocade ferroviaire nord et celle des Hauts-Plateaux. La réalisation de la voie ferrée reliant M'Sila à Bordj Bou Arréridj, dont le tracé ayant nécessité la surélévation de plus de 5 m au niveau du village, avait eu pour conséquence la défiguration totale du milieu naturel par la réduction des passages des eaux, voire leur obstruction, engendrant systématiquement de violentes inondations et noyant ainsi le village des journées entières. Cette voie ferrée surplombant le village avait rompu résolument l'harmonie entre les villageois et la nature, rendant leur vie cauchemardesque à la seule apparition des premiers nuages dans le haut du ciel. Situation demeurant en l'état depuis 1999, si on se réfère aux correspondances qui évoquaient les mêmes insuffisances constatées aujourd'hui. Belaïba Lamri, un quinquagénaire habitant ce village, nous éclairera sur l'inondabilité du village. « Je m'étais épuisé à expliquer à Cosider, l'entreprise qui a réalisé la voie ferrée, de revoir la conception du pont avant le lancement des travaux, en élargissant l'embouchure de l'oued pour permettre une meilleure fluidité des eaux de crues en dessous de la voie ferrée, mais sans résultat », a-t-il soutenu avec amertume. Pis, a-t-il ajouté, « la voie ferrée s'érigeant en obstacle majeur est à l'origine de la transformation du village en zone inondable, à telle enseigne qu'on ne trouve plus d'endroits adéquats pour la construction de nouvelles habitations. » « On avait demandé au wali de M'Sila dans une missive en date du 28 septembre 1999, a-t-il poursuivi, la désignation d'une commission technique pour étudier la conception du pont avant le lancement des travaux et d'éviter la survenance de la catastrophe qui aura raison de vies humaines. Nous vivons à ce jour sous la menace d'être à tout moment emportés par les eaux. » Outre cette hantise face aux inondations, une série de carences caractérisent ce village comme : l'eau potable, le transport scolaire et l'éclairage public qui constituent de véritables casse-têtes pour cette population qui ne sait plus à qui s'en remettre pour la prise en charge de ses doléances. Pour l'eau, les habitants s'approvisionnent par citerne pour la majorité d'entre eux. Le transport scolaire n'existe pas, collégiens et lycéens, après avoir parcouru 2 km à pied avant de rejoindre le barrage fixe de la gendarmerie au niveau de la RN45, sont embarqués par les usagers de cette route en partance vers M'Sila sur ordre des gendarmes.

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