Le fait n'est pas banal. Le ministre des PME et de l'Artisant, Mustapha Benbada, et un haut cadre du ministère des Affaires étrangères avouent publiquement que si l'accord d'association, signé avec l'Union européenne (UE) et mis en application en septembre 2005, n'a pas donné tous ses fruits, c'est à cause des Algériens. Hier, à l'hôtel Sofitel à Alger, à l'ouverture du séminaire « Le cas des PME » dans la coordination des bailleurs de fonds, organisé par la délégation de la Commission européenne et le ministère de la PME et de l'Artisanat, Hocine Lakli, sous-directeur du partenariat avec l'UE au ministère des Affaires étrangères, a usé d'un langage inhabituel. « On dit que l'accord d'association n'a pas bénéficié à l'Algérie. Ce n'est pas la faute à l'UE si cet accord n'a pas eu de bons résultats. C'est à nous de faire en sorte que cet accord soit bénéfique à l'Algérie », a estimé M. Lakli. Il a appelé à une meilleure coordination entre les différents secteurs économiques pour profiter de cet accord. « Le partenariat avec l'UE est en marche. Il appartient à nous de lui donner la vitesse adéquate », a-t-il noté. Position partagée par M. Benbada. « L'UE ne peut pas faire le travail à notre place. Chaque secteur doit assumer ses missions pour profiter pleinement de l'accord d'association. Chacun doit faire un effort pour améliorer son rendement, à commencer par l'administration économique », a-t-il constaté. S'agit-il de bureaucratie ? Benbada l'a dit à demi-mot. Il n'existe pas encore en Algérie un mécanisme ouvert et public d'évaluation régulière de l'application de l'accord d'association. Cet accord fait l'objet d'un conseil qui se réunit à Bruxelles, mais sans que l'opinion publique ait accès aux critiques émises sur l'évolution sur le terrain de cet accord. Début mars 2008, Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, a invité l'UE à sortir de « la logique commerciale » et « d'aller vers une logique de partenariat ». Il s'exprimait lors du troisième conseil d'association. Hier, l'attitude de M. Benbada et du représentant du ministère des Affaires étrangères remet en cause « le constat » rassurant, défendu jusque-là à Alger, qui peut être résumé ainsi : si l'accord d'association n'a pas bien fonctionné, c'est la faute aux Européens. La voie médiane de Bruxelles Côté européen, on reconnaît que quelque chose ne tourne pas rond par rapport à cet accord, négocié en secret par les deux parties. « Je pense qu'il faudrait le revoir d'ici 2010 pour que l'Algérie puisse en tirer plus d'avantages », a déclaré, lors d'une visite à Alger, Peter Mandelson, commissaire européen au commerce. Si Alger récolte les fruits amers d'un engagement politique unilatéral qui a largement ignoré les intérêts des opérateurs économiques, Bruxelles tente de trouver une voie médiane entre le discours des techniciens et celui des politiques. En déplacement à Alger début mars 2008, Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne aux Relations extérieures, a dit autre chose que son collègue Peter Mandelson. « L'accord d'association avance bien. Les deux parties respectent leurs engagements, ce qui permet l'installation d'un vrai climat de confiance... », a-t-elle dit. Reste que Benita Ferrero-Waldner, qui a visité trois fois l'Algérie, a parlé de « vrai climat de confiance ». Ce qui veut tout dire. Le premier responsable de l'Agence nationale de promotion des exportations (Algex), M. Benini, a soutenu, fin 2007, que l'accord d'association ne profite pas à l'Algérie. « Nous avons beaucoup de difficultés à placer les produits industriels, mais il y a beaucoup de possibilités pour nos produits agricoles frais et agroalimentaires qui sont déjà sur le marché européen », a-t-il constaté. Selon lui, l'exportation de certains produits agricoles n'a pas atteint les 10% des quantités de référence du contingent en dépit du démantèlement tarifaire. Des contraintes existent comme le non-respect des normes. D'où la proposition de M. Lakli pour « un partenariat direct » entre les entreprises algériennes et les firmes européennes pour « accéder à la qualité des produits ». « Le défi pour nous est la modernisation de l'économie et la maîtrise des standards européens », a-t-il souligné. Un programme de mise à niveau des PME est engagé avec l'UE, mais il semble faire face à un curieux problème : « l'Algérie a des limites dans l'absorption des fonds. Nous avons surdimensionné les projets », a expliqué Wolfgang Plasa, délégué de la Commission européenne à Alger. Autrement dit, il y a de l'argent, mais on ne sait pas quoi en faire ! D'où l'idée européenne de faire accepter « un code de conduite » pour une meilleure coordination entre les bailleurs de fonds.