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Mahmoud Ali (Juriste et journaliste) : « La pratique démocratique a reculé »
Publié dans El Watan le 09 - 04 - 2008

Mahmoud Ali est journaliste et juriste de profession, il est aussi activiste et président du Centre égyptien de développement et d'études en démocratie.
Pouvez-vous nous donner une idée sur votre organisation et de ses objectifs ?
Nous sommes nés depuis quatre ans, c'est une association libérale, créée par des militants qui croient aux valeurs libérales et partisans de partis du même courant comme El Wafd. L'idée générale de l'association s'intéresse au principe de la participation. Nous voulions faire quelque chose pour convaincre les jeunes de l'intérêt de la participation aux élections pour faire avancer la démocratie et créer une nouvelle génération de participants. Vous savez, la pratique démocratique en Egypte après 1952, l'arrivée de l'armée au pouvoir et la fin de la période libérale, a reculé. Et malheureusement, il n'y a pas assez de documents qui témoignent des valeurs libérales en cette période. Aussi le changement de la société et l'apparition de la violence au sein de la société égyptienne connue auparavant par sa tolérance et l'apparition de courants qui alimente la violence, constituent les points d'intérêts de notre travail.
Des forces politiques en Egypte semblent développer une sensibilité envers votre action sous prétexte que vous êtes financés par des fonds américains, que répondez-vous ?
Nous sommes accusés de plusieurs tares, trahison, agent de l'étranger, etc., et le lexique arabe est riche de ça mais nous ne sommes pas intéressés par ces polémiques et n'avons pas le temps de jouer à ça pour plusieurs raisons. D'abord, nous sommes une association reconnue légalement et nos activités sont soumises au contrôle administrativement et financièrement. Ensuite, nous travaillons avec des fonds comme l'USAid avec lequel travaille le gouvernement et ses différents ministères, notamment pour des projets sociaux. S'il y a de la sensibilité chez ces gens, elle doit être à l'endroit de l'Etat. Aussi, la question du financement ne m'inquiète que quand elle touche à ma loyauté envers le pays. Si le financement influe sur ça alors qu'importe qu'il vienne d'Amérique ou d'un pays arabe, mais s'il n'influe pas sur la vision, l'objectif et l'agenda, alors d'où qu'il vienne, il n'y a pas de problème, mais la question du financement reste posée et nous aurions souhaité avoir un financement local, mais hélas, le secteur privé demeure concentré sur ses intérêts étroits et ne s'implique pas pour financer le mouvement associatif quand il n'est pas tout simplement au service du pouvoir. La situation actuelle veut qu'il y ait un mariage entre le pouvoir et le capital, alors personne n'ose faire le contraire et donner l'impression d'être un opposant.
Beaucoup disent que les élections locales n'ont pas une grande importance, quel est votre avis ?
J'ai déjà parlé de ça dans la conférence de presse d'hier. Si on peut donner un titre à ces élections, nous dirons que ce sont des élections où il n'y aura aucun gagnant quels que soient les résultats, parce que le Parti national (parti au pouvoir) et l'Etat ont décidé comme d'habitude de spolier la majorité écrasante des sièges et nous observons ça à travers la non-distinction entre les idées du gouvernement, le parti et l'Etat, et quand le parti décide de prendre ce qu'il veut, alors la partie est terminée et les résultats sont connus d'avance. Les partis d'opposition sont hélas très faibles malgré le fait que beaucoup ont des racines historiques comme El Wafd, le Rassemblement et les Nasseriens, mais ils n'arrivent pas à communiquer avec le peuple et donc n'ont pas une véritable force et le résultat est que sur 52 000 sièges, ils n'ont pu se présenter qu'avec 1070, équivalent à 2,5%, donc, comme l'Etat a échoué, les partis aussi ont échoué dans ces élections. La troisième question est celle des Frères musulmans. Il y a eu une crise dernièrement au moment où ils ont exposé leur programme et les déclarations de leur guide, disant qu'ils sont prêts à être gouvernés par un musulman indonésien que d'être gouvernés par un chrétien égyptien. Ce discours menace la paix et la stabilité de l'Egypte ainsi que l'idée de l'Etat civil et ça a influé aussi sur les élections où on a vu apparaître des slogans des Frères musulmans. Ceci au moment où on avait l'espoir qu'ils pouvaient évoluer et refléter le concept de la possibilité de fusion entre la modernité et l'Islam, ils ont échoué en ça et donc ils ont échoué dans les élections. Le peuple égyptien ne participe pas, il est absent, on peut dire qu'il est las, qu'il n'est pas intéressé par la politique, il reste donc comme spectateur. Il ne va pas aux élections parlementaires ou présidentielles de façon générale et ne participe pas surtout dans les locales parce que pour lui elles n'ont aucun intérêt, c'est pour ça qu'on a aujourd'hui un taux qui ne dépasse pas 3%.
Vous avez eu des problèmes ces dernières 48 heures et rencontré beaucoup d'obstacles...
En effet, nous avons rencontré beaucoup de problèmes dont le plus important concerne la délivrance d'autorisation pour nos contrôleurs dans les temps, ce qui a poussé nos contrôleurs à utiliser les cartes délivrées par l'association, ce qui a impliqué que beaucoup parmi eux n'ont pu accéder aux bureaux de vote sous prétexte qu'ils n'ont pas d'autorisation. Plus que ça, 12 contrôleurs ont été arrêtés par la police dès la première heure. C'est vrai que nous avons pu les faire libérer, mais l'opération demeure difficile. Nous prenons beaucoup de mal à convaincre les gens de l'importance de la surveillance et quand l'Etat use d'arrestation, ça n'encourage pas les gens à s'impliquer avec nous, mais que voulez-vous, c'est la réalité de l'Egypte et de tout le monde arabe et nous sommes habitués à ça.
A quel point croyez-vous que votre conception et vos efforts peuvent faire avancer la pratique démocratique en Egypte ?
Nous avons une préoccupation centrale, c'est l'idée d'enraciner le concept de contrôle non seulement chez le citoyen mais aussi chez l'Etat, les partis politiques et l'opinion publique. C'est la première étape et je crois que jusqu'à aujourd'hui nous avons réussi le plus important et l'idée de surveillance est devenue incontournable en Egypte. Je crois fermement que cette idée, avec ses différentes formes et mécanismes, influe directement sur le processus démocratique et le plus important c'est qu'elle ouvre le chemin à la pratique et à la participation, nous voulons faire sortir les gens de leur négativisme, le véritable pari en Egypte est celui d'élever le taux de participation aux élections à 40 et 50%, je crois que la cause démocratique sera ainsi très proche du but.


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