L'ancien Chef de gouvernement a critiqué la politique extérieure de Bouteflika, ses réformes économiques et sa gestion des affaires publiques. C'est sous sa stature de candidat presque déclaré à la prochaine élection présidentielle que Ali Benflis s'est révélé, à l'ouverture des travaux de l'université d'été, la troisième du genre organisée par son parti, le FLN, à la salle Prestige de Aïn Benian. Devant des centaines de cadres, il a prononcé un discours-programme. Dessinant les contours du projet proposé par l'ancien chef de gouvernement, poussé à la porte de sortie par un président seulement soucieux de se faire réélire à la magistrature suprême. Ali Benflis, très applaudi par ses militants, a exposé toutes les idées qu'il n'a pu mettre en pratique en tant que responsable de l'Exécutif. Mais à chaque fois, le secrétaire général du FLN a passé au crible toute la politique menée depuis plus de quatre ans par Abdelaziz Bouteflika. Devant un parterre impressionnant où l'on notait des invités, comme Hocine Nia du RCD, Sofiane Djillali, Yacine Torkman du PRA, Louiza Ighilahriz, M'hamed Yazid, Leïla Aslaoui et les grosses pointures du FLN, à l'instar d'El-Hadi Khediri, Boualem Benhamouda et Abderrahmane Belayat, Ali Benflis a battu en brèche l'idée que depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, l'image de l'Algérie est redorée à l'étranger. La politique extérieure de Bouteflika n'obéit à aucune stratégie Le terrain de prédilection de Bouteflika, c'est la diplomatie. Il s'enorgueillit souvent d'avoir restauré l'image de l'Algérie à l'étranger. Ce n'est pourtant pas l'avis de son ancien Chef de gouvernement qui avait reçu un accueil triomphal à Paris. Benflis a qualifiée d'approximative la politique étrangère de Bouteflika. “La question de la nécessité, pour notre pays, d'occuper une place légitime et conforme à ses potentialités sur la scène internationale, constitue, à juste titre, un sujet de préoccupation”, souligne-t-il cependant. À ce propos, il y a lieu, selon lui, “de s'interroger sur l'existence d'une véritable stratégie en la matière”. “Comment peut-on prétendre au retour de l'Algérie sur la scène internationale, alors qu'elle ne possède même pas un centre d'études maghrébines au moment où notre pays est résolument engagé dans la construction d'un espace maghrébin unifié ?”, s'interroge le secrétaire général du FLN. Et d'ajouter dans le même ordre d'idées : “L'Algérie ne possède pas aussi un institut d'études sur l'Europe alors que l'Union européenne est un partenaire très important depuis l'indépendance.” Et de conclure sévèrement : “La place d'un pays sur la scène internationale n'est que le reflet de sa situation intérieure. L'image de l'Algérie s'améliorera et sa place se renforcera quand notre pays donnera l'image d'une Algérie résolument ancrée dans la démocratie.” Et de préciser que cette image est tributaire de la façon dont sont gérées nos affaires internes. Et en la matière, laisse-t-il entendre, “nous sommes loin d'être l'exemple à suivre”. “Que cessent le gaspillage et le mépris à l'égard du peuple” Le pays ne peut sortir de la situation de crise qu'il subit sans adopter “les règles de la bonne gouvernance dans la gestion des affaires de la cité et sans l'application des règles rationnelles dans la dépense des deniers publics”, dira Ali Benflis avant de marteler : “Que cesse le gaspillage, que cesse le mépris à l'égard de notre digne et valeureux peuple.” L'allusion vise la “générosité” du Président qui, après des années de thésaurisation, délie la bourse de l'Etat dans l'espoir de se faire réélire. S'agissant du mépris, c'est toute cette cour de serviteurs dont s'est entouré le Président au détriment des cadres compétents. Il s'est convaincu que “l'amélioration du mode de gestion des affaires est subordonnée à la mise en valeur du critère de la compétence dans le choix des responsables nommés ou élus”. L'absence d'un système d'évaluation des cadres et des agents de l'Etat est, selon lui, “une des raisons essentielles de la médiocrité que nous vivons et de la dégradation que nous subissons”. Pas de démocratie sans la décentralisation Ali Benflis est revenu également sur la marginalisation des élus locaux et a évoqué l'exemple de la gestion des conséquences du séisme qui a frappé les wilayas de Boumerdès et d'Alger. “Pourquoi a-t-on écarté des élus qui ont tiré leur légitimité du peuple ?”, s'interroge encore le secrétaire général du FLN, qui affirme que ce ne sont pas les représentants de son parti qui sont ciblés. “Il n'y a pas de démocratie sans la décentralisation des prérogatives, et le maintien du monopole dans la décision”, souligne Ali Benflis qui critique l'attitude de l'administration de Nourredine Yazid Zerhouni, en l'assimilant aux pratiques de l'administration coloniale. “Lorsque notre pays était sous le joug colonial, l'administrateur concentrait, entre ses mains, tout le pouvoir de décision en disant aux élus du peuple qu'ils n'étaient pas encore habilités à gérer les affaires de la collectivité”, a affirmé l'ancien Chef de gouvernement avant de hausser le ton en martelant : “Il ne peut y avoir de démocratie authentique sans partis forts et sans une société civile diverse et active, qui agit en tant que partenaire essentiel dans le processus de construction démocratique.” Sur le plan économique, Ali Benflis n'est pas non plus allé avec le dos de la cuillère. Il estime que “l'Algérie est en souffrance d'une stratégie cohérente et efficiente. Comment peut-on convaincre les investisseurs du bien-fondé des raisons qu'on avance pour expliquer que l'acte d'investir peut prendre des années dans notre pays alors que seuls quelques mois suffisent pour sa concrétisation chez nos voisins ?”, s'étonne l'orateur qui affirme que “le FLN n'est ni pour un libéralisme débridé ni pour le retour à un système centralisé de l'économie”. Le chef du FLN ne s'est pas privé d'aborder un autre sujet qui fâche. Celui de Sonatrach en l'occurrence. “Nous avons, à maintes reprises, déclaré notre opposition à la privatisation de la Sonatrach mais nous sommes pour l'amélioration de son système de gestion, comme nous avons déclaré notre opposition, d'ailleurs, au bradage de nos ressources naturelles, tout en étant favorable à l'amélioration du cadre juridique de l'investissement”. Moyens sécuritaires contre le terrorisme Mettant l'accent sur “les violations manifestes du droit à la vie par le terrorisme barbare”, l'ancien Chef de gouvernement indique que ce terrorisme, qui constitue la négation des droits de l'Homme, “nous devons le combattre avec les moyens sécuritaires et c'est la mission qu'accomplit avec courage l'ANP, les différents corps de sécurité et les forces patriotiques”. Autrement dit, le terrorisme n'est pas une question politique. S. R.