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L'imaginaire au rythme des couleurs
Arts plastiques-L'artiste Mohammed Khadda
Publié dans El Watan le 14 - 04 - 2008

A l'occasion de l'exposition rétrospective de l'artiste-peintre Mohammed Khadda qui s'est déroulée en mars 1983 au Musée national des beaux-arts à Alger, le poète Bachir Hadj Ali écrit :
En quel lieu de l'espace
Trouvera-t-il son premier trait ?
Quelle teinte sera la première ?
A danser
Où trouver l'espace mobile ?
Tout voyage est périlleux
Tout péril est un voyage
(...)
Plus loin, il poursuivit : « La lumière brutale éclate, hésite à franchir le seuil, le mouvement devient de plus en plus violent. L'embrasure est rouge-sang (...) ce mouvement s'imbrique jusqu'à l'anéantissement. Est-ce une danse africaine, est-ce un pas vers la mort, est-ce un printemps lacéré ? » (1) L'œuvre de Khadda est marquée, entre autres, par le signe, le rythme, le mouvement et les traits secs exécutés sans hésitation, car sortis avec fougue du subconscient de l'artiste pour percuter la toile. Ces coups de pinceau se manifestent comme une colère de houle, produisent des ressacs au contact de la toile pour se transformer dans leur violence ainsi atténuée, en composition. Où la sensibilité métamorphose et remodèle tout ce que peut saisir dans son état brut le regard. Une peinture intériorisée, aboutissement de cet espèce d'imaginaire qui inocule au réel la puissance de la fougue dont se dote le regard pour accaparer, non sans sensibilité, le prétexte de la composition. Khadda a une prédilection pour les couleurs ocre et bleu dans leurs multiples variétés et le fauve. Comme trame ou prétexte, il use souvent de signes comme de motifs berbères, calligraphie, des végétaux, à l'exemple de l'olivier et des minéraux. C'est ce qui se dégage de plusieurs de ses toiles comme Sécheresse, Lettre au bord de l'eau, Haleine des steppes, Rumeurs du port, Vent sur la plaine, Signe moissons, Chants des hauts-plateaux, Les Sables n'ont pas de mémoire, L'olivier méditerranée, L'appel et l'écho, Signe clair, Métamorphose de l'olivier, Nœud couleur d'automne, Le Lierre et l'olivier,. Dans « … Ils tissent des barbelés », le marron dans ses variétés domine. Le vert est mis en relief et s'imbrique en partie avec le rouge et le jaune. La polychromie reflète une atmosphère d'angoisse, d'obscurité et d'inquiétude non sans lueur d'espoir. L'Appel de l'écho marque la quête et la maîtrise de l'espace. Le vert se déploie discrètement en marée avec des méandres sur un fond marron. Le jeu chronique ne cède rien au vide. L'appel et l'écho sont invisibles. Il faudrait les capter. Et peindre, c'est aussi écouter avec le regard. N'est-ce pas Khadda qui disait : « Peindre par oui-dire devient possible quand l'œil amicalement écoute. » (2) Dans L'Olivier Méditerranée et Métamorphose de l'olivier, on ne voit pas l'arbre en question. Il est décomposé, pour être métamorphosé. Les couleurs avec cette dominance du bleu se chevauchent. L'olivier subit ainsi les foudres de l'imaginaire dans sa quête inassouvie du sens. L'olivier présente beaucoup d'intérêt pour Khadda. C'est tout un monde, un sens au point où il lui donne une dimension humaine. Sur cet arbre, il dit : « J'ai vu beaucoup d'oliviers et j'en parle souvent. J'aime cet arbre et m'en méfie pourtant. Parce que dans ses torsions, dans ses nœuds, dans ses craquelures, dans son entêtement à faire front à l'agression des vents, à l'injure des poussières, je retrouve cette démarche de l'homme ; j'entends l'homme debout. Même si ses protestations quelque peu romantiques me gênent, son angoisse m'émeut, m'en rapproche. Il y a sans doute dans sa gesticulation une démesure par trop théâtrale, mais ses refus à s'enraciner dans les terres trop grasses, ses choix à préférer les sols arides les roches mêmes pour s'y agripper, tout cet ascétisme a goût de dignité. » La même vision anime Khadda quant à utiliser la calligraphie. « Je n'ai jamais employé la lettre pour la Lettre », relève-t-il. Ainsi, « dans mes peintures ou dans mes gravures, on retrouve un peu la forme des lettres, les formes parce que je me refuse à employer la Lettre arabe telle quelle ». Aussi, indique-t-il, « le calligraphe qui avait pour tâche de donner à lire un texte, reprend des lettres conventionnelles en soi et les remodèle pour une destination nouvelle. Des lettres signifiantes qu'elles étaient, l'artiste en fait des signes chargés de magie, équivoques, car il nous propose à lire, à voir, à rêver... ». Rappelons que Mohammed Khadda est né le 14 mars 1930 à Mostaganem. A l'âge de 14 ans, il travaille comme typographe. Il suit des cours de dessin par correspondance. Il réalise ses aquarelles et peintures en 1947. En 1953, il part avec Abdellah Benanteur à Paris où il travaille comme typographe et imprimeur. Sa première exposition remonte à 1955 à Paris. Il rentre en Algérie en 1963. Membre fondateur de l'Union nationale des arts plastiques (UNAP) en 1964, Khadda, outre sa vocation de peintre et graveur, écrit des essais. Ainsi, en 1967, il publie à la Sned, (Alger), Eléments pour un art nouveau.I. Suivent au niveau de la même édition Eléments pour un art nouveau.II et Feuillets épars liés, respectivement en 1971 et 1983. Il meurt le 4 mai 1991 à Alger.
(1) Voir le catalogue de l'exposition rétrospective de Mohammed Khadda qui s'est déroulée en mars 1983 au Musée national des beaux-arts à Alger.
(2) Les citations de Mohammed Khadda ont été tirées de : Khadda, du méridien zéro à l'infini du possible. Beaux-Arts n°1. Musée national des beaux-arts. Alger 1994.


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