La Commission électotale ukrainienne a annoncé hier la seconde date à laquelle se tiendra ce bien fameux troisième tour, sans être véritablement un quitte ou double puisqu'il y a eu fraude et à plus large échelle qu'on puisse le penser. Selon certains témoignages, il a été enregistré un taux de participation de 127%. Un défi au bon sens et à l'imagination. Forte de la décision de la Cour suprême vendredi dernier d'invalider les résultats du deuxième tour, la commission électorale centrale a donc décidé hier de fixer au 26 décembre le nouveau second tour pour la présidentielle ukrainienne. La plupart des revendications de l'opposition ont ainsi été reconnues. Le Parlement doit adopter des changements à la loi électorale nécessaires à la répétition du scrutin (actuellement non prévue par la loi). A cet égard, les médiateurs étrangers, notamment les présidents lituanien Valdas Adamkus et polonais Alexandre Kwasniewski, étaient attendus hier dans la capitale ukrainienne, pour favoriser les négociations entre l'opposition et le pouvoir sur les changements à apporter à la loi électorale et à un important projet de réforme constitutionnelle, conformément à un accord conclu mercredi. Là, se rend-on compte, n'est que l'aspect formel ou procédurier, car on risque d'assister à une véritable bataille de tranchées plus politique, mais moins évidente pour les non-avertis. En effet, M. Koutchma, fermement soutenu par la Russie, insistait pour que l'invalidation du scrutin -qui semblait inévitable- se traduise par la convocation d'une nouvelle élection, reprenant les deux tours. Ce qui lui aurait notamment permis de présenter un nouveau candidat, plus charismatique que M. Ianoukovitch. L'Ukraine s'interrogeait hier sur les intentions de M. Ianoukovitch, principal perdant de l'affrontement politique des deux dernières semaines et qui s'est nettement effacé de la scène politique ces derniers jours. Ce dernier s'était également prononcé contre un nouveau second tour et avait proposé que ni lui ni Iouchtchenko ne soient candidats à une nouvelle élection. Si M. Ianoukovitch choisissait de jeter l'éponge et déclarait forfait dans un délai de dix jours, le candidat arrivé en troisième position lors du premier tour le 31 octobre, soit le chef du Parti socialiste Olexandre Moroz, affronterait M. Iouchtchenko. Selon certains experts, M. Moroz, personnalité consensuelle qui a soutenu l'opposition pour le scrutin du 21 novembre mais est plus apprécié que les leaders de « la révolution orange » dans l'Est du pays, pourrait gagner une partie des voix de M. Ianoukovitch et une partie de celles de Iouchtchenko. La victoire du chef de la coalition libérale Notre Ukraine ne serait pas forcément chose facile. Mais si M. Ianoukovitch se retirait de la course après ce délai de dix jours, M. Iouchtchenko serait le seul candidat en lice. Il devrait alors obtenir plus de 50% des suffrages pour être élu. Et là, les experts sont partagés. Certains estiment que M. Iouchtchenko pourra facilement passer ce seuil, dopé par le mouvement de contestation populaire sans précédent que connaît l'Ukraine depuis deux semaines. D'autres pensent que le pouvoir pourrait ainsi « piéger » M. Iouchtchenko et tenter de convaincre les électeurs de voter contre lui pour invalider le scrutin et obliger à la convocation d'une nouvelle élection. M. Iouchtchenko a pris la parole devant ses partisans vendredi soir pour les féliciter de leur « victoire », et a de nouveau demandé la démission immédiate du gouvernement de M. Ianoukovitch. Là on est véritablement devant un jeu politique plus fin où il s'agit véritablement de compter ses forces. Après avoir remporté l'épreuve de la contestation, M. Iouchtchenko doit mener d'autres batailles.