Revigoré par le succès de son mouvement de contestation, le candidat pro-occidental est donné favori de ce duel ordonné par la Cour suprême ukrainienne. Les sondages lui donnent 14 points d'avance sur son rival. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis le scrutin du 21 novembre dernier, dont les résultats avaient donné la victoire au Premier ministre sortant, Viktor Ianoukovitch. Ce dernier ne part plus avec les faveurs des pronostics. Pis, les fraudes avérées de la précédente élection constituent un stimulant majeur pour les observateurs, notamment étrangers. Et cette fois-ci, ils seront plus du double pour s'assurer de la régularité du vote. En effet, il y aura plus de 12 000 observateurs, contre 5 000 seulement auparavant. Plus que jamais mobilisés, le Parlement européen et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) ont désigné le maximum de représentants pour être présents partout où c'est nécessaire. Idem pour les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada. L'Occident veut assurer les meilleures conditions à Viktor Iouchtchenko. Sûr de lui désormais, grâce à ce soutien occidental qui le rassure quant à l'éventualité d'un recours à la fraude électorale, le chef d'orchestre de la “révolution orange” affiche une confiance à toute épreuve. Les derniers sondages le créditent de 51% des intentions de vote contre 37% pour Ianoukovitch. La confirmation de son empoisonnement à la dioxine et son accès aux journaux du pouvoir, dont il avait été privé jusque-là, ont fait monter en flèche sa popularité. Aujourd'hui, il se sent dans la peau du vainqueur, contrairement à son adversaire, qui n'est plus que l'ombre de lui-même. C'est l'avis de l'analyste Volodymyr Polokhalo, qui affirme : “Iouchtchenko se sent déjà vainqueur, sent qu'il sera président de l'Ukraine. En entendant Ianoukovitch, on avait l'impression qu'il savait qu'il allait perdre, qu'il ne faisait plus d'illusions.” Le Chef du gouvernement ukrainien a été lâché par l'un de ses principaux appuis, le chef de l'Etat sortant Leonid Koutchma, obligé de composer avec l'opposition pour concrétiser avant son départ la réforme constitutionnelle promise depuis un an. Le désarroi de Ianoukovitch se traduit par son appel à son adversaire d'aujourd'hui à s'unir à lui pour effacer les traces du régime Koutchma. Il en est arrivé à présenter ses excuses à l'opposition pour les qualificatifs durs dont il avait usé, comme “rats oranges”. Ianoukovitch a même appelé à ne pas sortir dans les rues après le scrutin d'aujourd'hui. C'est toute la différence entre deux candidats. Ceci étant, si Iouchtchenko part largement favori, il n'en demeure pas moins que la mission qui l'attend, au cas où il serait élu, constitue un réel défi à voir les maux rongeant la société ukrainienne. Outre la difficile tâche de maintenir l'Ukraine unie à la suite des indices de scission apparus après la contestation qui a suivi le précédent second tour, il doit lutter contre la corruption et les clans politico-financiers mis en place par les puissantes oligarchies qui contrôlent pratiquement toute l'économie du pays. L'Ukraine fait partie des pays les plus corrompus du monde selon les estimations de Transparency International. En attendant, l'on redoute en Ukraine que le prochain président ne soit pas le “président de tous les Ukrainiens” comme l'a écrit le quotidien local Den dans une de ses éditions en se basant sur le fait que Ianoukovitch ne parle qu'en russe comme s'il ne s'adressait qu'à ses concitoyens d'expression russophone, alors que Iouchtchenko n'utilise que l'ukrainien, ignorant ainsi tout l'est du pays. L'élection présidentielle d'aujourd'hui risque de ne pas modifier beaucoup de chose pour le peuple ukrainien, tant les divisions sont nombreuses. Des amendements à la loi électorale rejetés par la Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle ukrainienne a estimé, hier, que des amendements à la loi électorale ukrainienne limitant le droit de vote à domicile n'étaient pas conformes à la Constitution, une décision pouvant remettre en cause la légitimité du scrutin présidentiel d'aujourd'hui. “La Cour a jugé non constitutionnel (...) l'amendement interdisant le vote à domicile à tous les citoyens à l'exception des invalides du premier groupe”, a déclaré le juge Mykola Selivon. “La décision de la Cour constitutionnelle est définitive et ne peut faire l'objet d'un appel”, a-t-il poursuivi. Cette décision a été rendue suite à une plainte de l'équipe du candidat à la présidence Viktor Ianoukovitch, vainqueur déchu du scrutin du 21 novembre, annulé par la Cour suprême en raison des fraudes massives constatées. Olexei Reznikov, un avocat du candidat de l'opposition Viktor Iouchtchenko, favori du scrutin d'aujourd'hui, avait estimé hier qu'une telle décision de la Cour constitutionnelle pourrait remettre en question la légitimité du scrutin. Les amendements à la loi électorale, limitant les possibilités de voter à domicile qui avaient donné lieu le 21 novembre à de nombreuses fraudes, avaient été votés le 8 décembre par le Parlement avant d'être promulgués par le président sortant Leonid Koutchma. Suite à la décision de la Cour constitutionnelle, les électeurs voulant voter à domicile pour des raisons de santé doivent obtenir, selon la loi, une autorisation de leur commission électorale territoriale au plus tard ce samedi à 20h (18h GMT). K. A.