Tizi Ouzou, dimanche 20 avril. Les rues grouillent de monde avec l'habituel va-et-vient chaotique. 10h, la circulation piétonne est déjà saturée sur le boulevard Abane Ramdane, l'artère la plus animée de la ville. Tizi Ouzou. De notre bureau Le long des trottoirs exigus et défoncés, des jeunes proposent une panoplie d'articles chinois à bas prix sous le regard indifférent des agents de l'ordre mobilisés pour la traditionnelle marche du printemps berbère. La manifestation n'a pas encore commencé. En attendant, c'est la coordination locale des archs (CADC) qui occupe la scène en improvisant un rassemblement au carrefour du Bâtiment bleu faisant face au commissariat de police. A la tribune, Bélaïd Abrika rappellera la symbolique de la célébration du double anniversaire du 20 avril et du printemps noir d'avril 2001. Dans son discours, il a réitéré les exigences du mouvement dont l'application de la plateforme d'El Kseur, le jugement des gendarmes assassins et la vérité sur la mort du chanteur Matoub Lounès. Juste après, une marche a eu lieu en direction de la place Matoub Lounès où une gerbe de fleurs a été déposée. Retour à l'université Mouloud Mammeri, point de départ d'une autre marche. Celle-ci est initiée, séparément, par le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), la Coordination locale des étudiants (CLE) et la section estudiantine du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK). Le premier carré est occupé par l'organisation de Ferhat M'henni. En deuxième position, loin derrière, une procession, à sa tête Saïd Sadi, composée essentiellement de cadres, d'élus locaux et de sympathisants du RCD. Les étudiants de l'université Mouloud Mammeri fermeront la file. Plusieurs partenaires pour une même cause. L'ambiance est bon enfant toutefois. « C'est une marche pacifique, tout se déroule normalement. Pourvu que ça dure », dit un officier de police, le talkie-walkie collé à l'oreille. Arrivés devant le commissariat, les militants du MAK marquent une halte avant de poursuivre leur chemin en direction de l'ancienne mairie de Tizi Ouzou. Le reste des marcheurs mobilisés par le RCD et la CLE ont pris un autre chemin longeant le tribunal. Le service d'ordre est débordé. Il craint pour la sécurité de la foule. « Nous nous sommes entendus hier (samedi ndlr) sur un seul itinéraire et voilà qu'on marche dans tous les sens », regrette un membre des services de sécurité affairé à coordonner avec ses collègues la régulation de la circulation automobile et les consignes d'usage en pareille occasion. Les journalistes de la presse nationale et internationale présents en grand nombre ne savaient pas eux aussi laquelle des marches il fallait suivre. « Vous suivez la marche du MAK, on couvre l'autre. On se briefe après, sinon on risque de tout rater », susurre un confrère visiblement dérouté par ce changement de parcours. Il est presque 11h, le premier carré consomme son action devant le siège de la Fédération des fils de chouhada (FFC) et se disperse dans le calme. De l'autre côté de l'avenue, le second passe devant le tribunal où doivent être auditionnés aujourd'hui des étudiants arrêtés pour saccage à l'université. « Symboliquement, nous sommes passés devant le tribunal en signe de solidarité avec eux », explique un militant du RCD. « Libérez la justice », « Bouteflika, Ouyahia, houkouma irhabiya », scandent des voix en chœur. Sur les banderoles, il est écrit « Tamazight langue nationale et officielle », « Pour le respect des droits de l'homme », « Pour le respect du pluralisme politique et syndical », « Pour un Etat démocratique et social », « Pour le respect des libertés démocratiques et des droits de l'homme », « Pour une Constitution consacrant enfin un Etat de droit ». La marche d'hier n'a pas drainé les foules d'antan. Un millier de personnes selon la police. Entre 6000 et 8000 personnes, selon des observateurs.