Nouvelle claque pour le port d'Alger. On savait déjà ses eaux touchées par une pollution microbienne, organique et chargées en métaux lourds – manganèse, plomb, mercure – à des teneurs dépassant les normes admises. L'actualité donne raison à son statut de zone à risque la plus importante du littoral algérien : depuis une semaine, une fuite d'hydrocarbures alimente une nappe dans les bassins de Mustapha et de l'Agha. Mais on ignore encore de quelle manière cette pollution affecte le port. « Compte tenu de la nature des activités du site – chargement et déchargement d'hydrocarbures – cette pollution, dite “opérationnelle“ n'est pas surprenante », remarque Samir Grimès, enseignant chercheur à l'Institut des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral (Ismal), spécialiste de l'impact des pollutions sur les écosystèmes marins. « Nous ne sommes pas dans une zone sensible, de pêche ou de biodiversité stratégique, mais tout de même il y a pollution. Et celle-ci dépend de la taille de la nappe et de la nature des hydrocarbures. » Interrogé sur la question, Djamel Cherdoud, directeur de la communication de Naftal, a assuré que la nappe avait été « circonscrite à quelques dizaines de mètres carrés ». Quant à sa composition, il est, toujours d'après Naftal, encore trop tôt pour se prononcer. « Il y aurait du fuel mais sans certitude, nous préférons dire qu'il s'agit d'un mélange d'hydrocarbures. Tant que nous n'avons pas trouvé l'origine de la fuite, il est impossible de se prononcer. » Pour le chercheur de l'Ismal, si sa taille, facilement maîtrisable, ne doit pas être un motif d'inquiétude, l'écosystème est déjà perturbé. « Il y a une vie dans la colonne d'eau, donc le phytoplancton et le zooplancton sont forcément affectés. Or il s'agit du premier maillon de la chaîne trophique, ce qui perturbe donc les autres espèces. » Abdelhafid Laouira, président de Tel-Bahr, comité national chargé de la lutte contre la pollution en milieu marin, cité par le quotidien Le Soir, insiste : « Nous sommes confrontés à une pollution très importante. Une enquête est actuellement en cours afin de déterminer les responsabilités et nous permettra d'engager des poursuites judiciaires. » Il a ajouté qu'il a été « désagréablement surpris par le comportement des représentants de la direction du port et du pollueur qui n'ont pas réagi en temps opportun ». Du côté de Naftal, le directeur de la communication se défend : « La responsabilité de l'entreprise n'est pas avérée, d'autres opérateurs disposent de canalisations dans le port, mais malgré cela nous avons tout mis en œuvre depuis le début (barrages flottants, écrémage, mobilisation du personnel) pour venir à bout de la nappe. Mais l'extraction se fait de manière très lente car le produit est très lourd et très visqueux. » A l'Ismal, Samir Grimès confie : « Cet accident doit nous alerter. Le fait que la station de dessalement ait été installée à proximité du port exige que l'on prenne des dispositions radicales pour réduire les activités polluantes du port et celles du versant de l'oued El Harrach. » « Par ailleurs, précise-t-il, les problèmes d'insuffisance en matière de gestion de crise doivent être soulevés. Est-ce que nous savons réagir dans l'urgence et est-ce que nous disposons d'assez de moyens pour cela ? La question mérite d'être posée, car demain une catastrophe comme celle de l'Erika pourrait bien arriver au large de Skikda, d'Arzew ou d'Alger. »