Le courage des comédiennes qui ont joué dans le film Vivantes (A'ichate) de Saïd Ould Khelifa, un sujet délicat inspiré des événements liés à l'affaire dite des femmes de Hassi Messaoud, a été salué lors d'une rencontre avec la presse organisée jeudi au Royal, à l'occasion du lancement depuis la veille du film à Oran (salle Es Saâda). Il ne m'importe pas que le film réussisse aux yeux du public autant que de savoir que le message passe car nous avons tous une part de responsabilité dans ce qui s'est passé », a déclaré Rym Takoucht qui a pris part à la rencontre. L'actrice est issue du monde du théâtre et elle a été choisie pour tenir le rôle principal dans la peau du personnage Selma à qui elle a donné une chair, mais surtout une âme. « En tant qu'artiste, j'avais considéré qu'il était de mon devoir d'accepter ce rôle, d'autant plus que le réalisateur qui me l'a confié, et c'est important pour moi, avait déjà une idée de ce que je faisais, mais bien sûr je suis passée par le casting », ajoute-t-elle pour montrer l'importance qu'il y a à respecter les artistes avant de revenir au sujet du film pour lequel elle considère qu'elle l'a fait au nom de toutes les femmes et pour dire : « Nous ne vous avons pas oubliées. » Plus loin, elle met en avant un certain engagement : « En acceptant ce rôle avec toute cette charge de réel, explique-t-elle, j'ai tout fait pour donner le meilleur de moi-même et j'ai travaillé en tant que militante et aussi par devoir, loin des considérations commerciales où celles liées au paraître à l'écran. » Le lien qu'il y a entre la fiction et les événements qui se sont réellement déroulés est accentué par une révélation de Nadia Cherabi, productrice exécutive. « Lors du tournage, l'une des femmes qui ont vécu le drame et qui ont de tout temps suivi le tournage du film est entrée accidentellement, sans y être programmée, dans le champ de la caméra. L'effet est sublime et nous avons gardé cette séquence au montage », a-t-elle confié pour ensuite expliquer qu'« à travers ce film, nous avons voulu personnaliser les choses et montrer ce qui est derrière le drame car en parlant de victimes, de femmes agressées, on oublie les destins personnels et les histoires intimes de ces femmes. » Cette intrusion d'un aspect du réel dans la fiction est à ajouter aux déclarations des accusés dans le film qui, confirme M. Saïd Ould Khelifa, sont puisées des comptes rendus des « audiences liées à cette affaire pendante ». Pour lui, étant favorable à l'abrogation du code de la famille, « la mentalité conservatrice doit être évacuée des esprits de la société algérienne et ce film peut justement susciter un débat, du moins un dialogue. » « C'est un film important », considère Samia Meziane, révélée sur le grand écran dans El Manara de Belkacem Hadjadj. Le personnage qu'elle interprète échappe de justesse à l'agression. Elle est l'amie qui équilibre la balance en « dégageant de la bonne humeur malgré les blessures profondes qu'elle a dû subir » et ce personnage a été sans doute introduit pour mieux défendre la condition féminine et expliquer que les drames sont aussi dans les rapports quotidiens. D'où la notion de courage de toutes les interprètes du film mis en avant dans l'intervention de M. Bouguettouf (directeur de casting) pour qui « il est impératif d'enseigner les droits de l'homme à l'école. » Ce film (en 35 mm) qui a coûté 40 millions de DA a été tourné en 26 jours. Le budget n'est pas énorme vu les coûts actuels de réalisation. L'aspect purement commercial est également évacué par le distributeur, qui avoue qu'il ne tirera aucun bénéfice, mais qu'il a accepté de le diffuser en partie par amitié et parce qu'il a aimé le film. Par ailleurs, Saïd Ould Khelifa a annoncé jeudi à Oran qu'il est sur le point de tourner un film sur Zabana, le premier militant nationaliste guillotiné par le pouvoir colonial. Il sera basé, indique-t-il, sur un scénario de l'écrivain Azzeddine Mihoubi.