Après 54 mois de détention provisoire, les deux frères Kharroubi seront jugés demain par le tribunal correctionnel de Seddikia, près la cour d'Oran. Poursuivis pour complicité de dilapidation de deniers publics, ils comparaîtront avec deux autres prévenus, les frères Benia, en liberté provisoire. Leur procès intervient au moment où leurs avocats ont exigé une commission d'enquête parlementaire sur leur longue incarcération « arbitraire ». Le procès de l'affaire BCIA revient demain au tribunal de Seddikia, près la cour d'Oran. Cette fois-ci, ce sont les deux frères Kharroubi, en détention depuis 54 mois, et les deux frères Benia, en liberté provisoire, qui seront jugés pour complicité de dilapidation de deniers publics. L'inscription de cette affaire au rôle du tribunal correctionnel intervient au moment où la défense des frères Kharroubi a saisi les présidents du Conseil de la nation et de l'Assemblée nationale, les exhortant à l'ouverture d'une enquête parlementaire sur ce qu'elle a qualifié de « scandale judiciaire ». Les avocats ont dénoncé « les nombreux manquements à la loi », notamment en matière de détention, arguant du fait que Tewfik et Badreddine Kharroubi sont en prison depuis 54 mois pour une affaire correctionnelle, dont le délai prévu par le code de procédure pénale ne dépasse pas 4 mois. « Les deux frères étaient en droit, après avoir obtenu de la Cour suprême la cassation des deux arrêts de renvoi successifs de la chambre d'accusation près la cour d'Oran, d'être mis légalement en liberté après la correctionnalisation des poursuites (...) Désormais, sans vouloir préjuger des suites judiciaires graves que renferme cette affaire, il est essentiel et urgent de faire cesser ce véritable symbole d'illégalité », ont écrit les avocats dans leur lettre adressée aux premiers responsables des deux chambres parlementaires. Deux semaines auparavant, les mêmes avocats ont, dans une lettre transmise au ministre de la Justice, fait état de la décision illégale de maintenir en détention les deux frères Kharroubi. « Pourtant, l'article 499 du code de procédure pénale (CPP) prévoit la suspension de l'exécution de l'arrêt du 4 décembre 2007 de la chambre d'accusation près la cour d'Oran, jusqu'à réception de l'arrêt de la Cour suprême. Ainsi, à compter de la déclaration du pourvoi prévu par l'article 504 du CPP, l'effet suspensif produit de plein droit a pour conséquence d'étendre les dispositions favorables aux mis en cause conformément à l'article 125 du CPP. Le maintien en détention préventive des deux Kharroubi n'obéit à aucun principe qui fait la raison d'être du droit et l'honneur de la justice. Il relève désormais de l'acharnement judiciaire qui entoure cette affaire », ont écrit les avocats, en demandant au premier responsable de la chancellerie de mettre fin à ce qu'ils ont appelé un « intolérable dysfonctionnement avéré » de l'appareil judiciaire. Ces lettres de protestation ont été précédées par le dépôt d'une plainte contre le ministre de la Justice auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger, pour « détention arbitraire ». Enregistrée le 22 décembre 2007, sous le numéro 2535, cette plainte est une première dans les annales de la justice. « L'attitude complice de Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, témoigne de sa volonté arrêtée et consciente de refuser de faire respecter les formes prescrites par la loi en matière de détention préventive. Il s'agit là d'une infraction pénale, d'une gravité certaine qui ne peut être acceptée. Aussi, la responsabilité pénale du ministre de la Justice est entièrement engagée dans ce délit de détention arbitraire, puni en vertu des articles 42, 44, 107 et 291 du code pénal », avait expliqué Me Kharroubi, auteur de cette plainte. A signaler enfin que Badreddine Kharroubi et son frère Chakib-Tewfik étaient, à l'époque des faits, en 2003, respectivement patron d'une compagnie d'assurances Star Hana et responsable au sein de la BCIA. Ils s'étaient pourvus en cassation auprès de la Cour suprême après que la chambre d'accusation eut qualifié les faits de crime en juin 2005. La requalification de l'accusation en délit, fondée sur la loi 06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, a été également prononcée par la chambre d'accusation pour deux autres personnes pourvues, elles aussi à deux reprises, en cassation auprès de la Cour suprême. A l'issue de ce procès, le PDG en fuite de la BCIA, Kharroubi Ahmed, avait été condamné par contumace à 10 ans de réclusion, la peine maximale prévue par la loi, prononcée également à l'encontre de neuf autres personnes en état de fuite, dont Kharroubi Mohamed Ali, autre fils du patron de la BCIA.