Les bonnes volontés ne suffisent plus pour l'édification du Maghreb uni, démocratique et prospère. D'autant que des parties maintiennent leur opposition à la légalité internationale comme c'est le cas de la position marocaine sur le dossier du Sahara occidental. Avant-hier, une altercation entre Abdelaziz Belkhadem et le ministre d'Etat marocain – également dirigeant socialiste – Mohamed El Yazghi, autour du Sahara occidental a remis dans le cadre la célébration du 50e anniversaire de la Conférence des partis maghrébins tenue à Tanger en 1958 en faveur de l'Union du Maghreb. L'altercation entre les deux responsables algérien et marocain symbolise un des fossés qui sépare deux pays, deux visions et qui minent le projet de l'union maghrébine. Belkhadem, secrétaire général du FLN et chef du gouvernement, peut avancer un peu d'optimisme en défendant que « des réunions ministérielles se tiennent régulièrement », mais il reconnaît en même temps que « la pièce manquante, c'est un sommet des chefs d'Etat ». Il a par ailleurs appuyé la position du secrétaire général de l'UMA, le Tunisien Habib Benyahia, qui avait appelé à la tenue, « dans les plus brefs délais », du 7e sommet des chefs d'Etat. Un 7e sommet qui était prévu en 2002 et reporté deux fois pour cause de boycottage de la part du roi marocain, suivi par la bouderie de Kadhafi. Les différends aussi sont reportés. Le communiqué final de la rencontre de Tanger – dont une bonne partie des travaux s'est tenue à huis clos – a parfaitement éludé les questions qui fâchent, reconduisant la litanie des bonnes volontés, sans plus. Les partis ayant organisé la réunion de Tanger, à savoir les partis marocains de l'Istiqlal, l'Union socialiste des forces populaires (USFP), le Front de libération nationale, le Rassemblement constitutionnel démocratique tunisien, le Pacte national pour la démocratie et le développement et le Rassemblement des forces démocratiques mauritanien et le Congrès général du peuple libyen, se sont accordés pour se réunir à Tripoli en 2009. Sans plus, là aussi. Les partis concernés ont aussi convenu d'organiser des séminaires maghrébins de formation syndicale, de jeunes, de femmes et d'hommes de culture, d'encourager la coopération entre les collectivités locales et de conclure des conventions de partenariat entre ces dernières et les institutions éducatives et scientifiques. Autant dire que l'on ne sort pas de la politique fiction pour éluder les véritables frictions. D'ailleurs, dans le communiqué final, les partis participant à la rencontre de Tanger appellent en outre à « relancer les institutions de l'UMA et à tout mettre en œuvre pour relancer la coopération économique, sociale et culturelle, pour favoriser l'intégration des pays du Maghreb, en consolidant les acquis démocratiques dans chaque pays et faire face aux nouveaux défis qui imposent la nécessité d'assurer la paix et la sécurité des peuples de la région ». Dans la même déclaration, les partis maghrébins participant à la rencontre « considèrent que l'Union du Maghreb arabe est le seul cadre durable dans lequel les pays membres peuvent défendre leurs intérêts communs, leurs valeurs et leur identité ». Le monde d'aujourd'hui, marqué par la mondialisation et les groupements, « a fait prendre davantage conscience aux politiciens, intellectuels et opinion publique de la région de l'UMA du retard accusé dans l'édification de cette structure », a déclaré le secrétaire général de l'UMA, Habib Benyahia, tirant ainsi une énième sonnette d'alarme. Car il s'agit également d'un devoir historique : la poursuite du combat commun des militants de la libération des pays du Maghreb, depuis l'Etoile nord africaine, la création du bureau arabe au Caire, en 1948, les sacrifices des peuples du Maghreb, notamment le 20 août 1955, pour le retour du roi Mohammed V, et l'agression du colonialisme français à Sakiet Sidi Youssef. Blocages Une étude menée par la commission des études euro-méditerranéennes en 2006 indiquait clairement que « le blocage de la région est dû principalement à un déficit démocratique : une immense majorité plaide pour la création d'un parlement maghrébin où des députés élus de façon démocratique chercheraient à répondre aux problèmes des citoyens de la région. En dépit de l'absence de résultats de l'UMA, le souhait d'une intégration régionale demeure profond ». Alors que dans ce même espace de rêve qu'est le Maghreb, le déni total de la légalité internationale avec un Maroc qui veut transgresser le cadre de l'ONU et de sa charte et qui continue jusqu'à aujourd'hui de violer les droits de l'homme les plus élémentaires. Rien qu'avant-hier, l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains commises par l'Etat marocain (ASVDH) a dénoncé le transfert par la force de l'activiste sahraoui des droits humains, Saïd Elbaillal, depuis sa cellule dans la prison de Sale (Maroc) vers la prison de Berchid. Saïd Elbaillal, pour rappel, est détenu depuis son arrestation le 26 décembre 2007 et il a mené une grève de la faim de quarante jours pour protester contre les mauvais traitements et réclamant l'amélioration de ses conditions de détention. Dans les autres pays du Maghreb, ni la démocratie ni les droits de l'homme, et encore moins la prospérité ne sont au rendez-vous. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, le volume du commerce intermaghrébin ne dépasse pas encore le seuil de 6% du volume total du commerce extérieur des cinq pays de la région (sur un PNB d'environ 250 milliards de dollars).