Edifices publics saccagés et brûlés, vitres cassées et abribus détruits…, la ville de Chlef, où se sont poursuivies hier encore les échauffourées entre des centaines de jeunes et des éléments de la police antiémeute, montre un visage triste. Une atmosphère particulière règne depuis dimanche dans cette ville, principale agglomération de la wilaya. Surprise par les violentes émeutes de la veille, la population locale a toujours peur. « La scène m'a rappelé les événements d'octobre 1988 », déclare un témoin oculaire ayant assisté aux saccages et à la destruction des édifices publics durant toute la journée de dimanche. Les manifestations se sont poursuivies jusqu'à 22h, avant que tout le monde ne tombe dans les bras de Morphée, laissant place aux éléments de la Protection civile pour nettoyer les rues de la ville de tous les débris et projectiles utilisés par des centaines de jeunes en colère. Alors que tout le monde croyait que la tempête était passée et que la vie avait repris son cours normal, la population a été surprise hier matin par l'éclatement à nouveau des manifestations. Retour sur une deuxième journée mouvementée… Il est presque 8h. Il y a peu de circulation automobile. Des dizaines de personnes vaquent à leurs occupations et rien n'indique que la situation allait dégénérer à nouveau dans la ville. Les policiers dépêchés sur les lieux sont postés à proximité des institutions officielles (sièges de l'APC, de la daïra et de la wilaya). Les émeutes ont repris à 10h30. Rassemblés dans différents coins de la rue principale de la ville, des dizaines de jeunes se sont attaqués aux policiers qui tentaient de les empêcher de s'approcher des institutions publiques. Au jet de pierres des émeutiers, les policiers ripostaient par des gaz lacrymogènes. La situation a duré plusieurs heures. « Nous n'arrêterons pas avant le départ du wali », déclarent des jeunes surchauffés. D'autres échauffourées ont également éclaté dans la ville de Chettia (à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya) qui a été durement touchée par les manifestations de dimanche. Des manifestations qui se sont soldées par l'arrestation de plusieurs dizaines de jeunes (500, selon les responsables de l'association des sinistrés) et 60 selon des sources policières. Le wali de Chlef, Mohamed Ghazi, a parlé de la libération d'une centaine de personnes et du maintien d'un certain nombre en détention. Zerhouni et la suppression de l'aide financière Tout le monde ici s'accorde à dire qu'à l'origine de ces événements il y a, en particulier, l'annulation de l'aide financière accordée aux victimes du séisme de 1980 dans le cadre de la loi de finances 2007. En effet, l'article 99 de cette loi accorde aux sinistrés une aide de 1 million de dinars et 1 million de dinars supplémentaire sous forme de crédit avec des taux d'intérêt bonifiés ne dépassant pas 2%. Cette aide a été annulée et la mauvaise surprise a été annoncée aux Chélifiens par le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, à l'issue de la visite effectuée dans la wilaya par le président de la République en 2007. « Zehouni a fait exploser une bombe. De quel droit décide-t-il d'annuler l'aide ? », lance Mohamed Yakoubi. Les citoyens de la ville de Chlef et ceux de Chettia, deuxième commune de la wilaya avec 100 000 habitants, ne seront satisfaits que par l'obtention de ladite aide. « Nous ne voulons que l'application de la loi. Pourquoi a-t-on annulé cette aide qui est un droit légitime ? », déclare Ahmed, 60 ans, retraité, que nous avons rencontré devant le siège de la poste de Chettia, brûlé la veille par les manifestants. « Les services de sécurité n'ont déployé aucun effort pour empêcher les émeutiers de saccager cette poste », affirme avec beaucoup de regrets Ouardas Sedik, receveur au niveau de la poste de Chettia. Outre le problème du chômage qui, selon la population locale, est à l'origine de cette colère, les jeunes refusent également de quitter leur habitation préfabriquée. Les autorités ne sont pas en mesure d'accorder à chaque famille un logement. « Nous sommes plus 7 familles à habiter un seul chalet. Si on nous donne un seul logement, comment devrions-nous faire ? », s'interroge Kamel, 40 ans, employé à Sonelgaz. Des milliards de dinars partis en fumée Devant la poursuite des événements, les autorités locales n'arrivent toujours pas à évaluer les dégâts matériels. Ils sont sans nul doute énormes et se chiffreront en milliards de dinars. En plus du siège de la poste, plusieurs autres édifices ont été détruits. Il s'agit notamment du centre de formation professionnelle, du siège de la Banque extérieure d'Algérie, du siège d'Algérie Télécom, du musée de la ville de Chlef…