Le torchon brûle entre la fédération de la grande mosquée de Paris et d'autres associations pour le renouvellement du Conseil français du culte musulman. Paris : De notre bureau La Fédération nationale de la grande mosquée de Paris (FNGMP) ne participera pas aux élections de renouvellement du Conseil français du culte musulman (CFCM) du 8 juin. Cette décision a été prise à l'issue d'une réunion extraordinaire hier de son bureau national regroupant les représentants des huit fédérations régionales qui en font partie, élargie à des personnalités musulmanes et à des dirigeants d'associations. La FNGMP considère que le mode d'élection du CFCM, organisé sur des critères basés sur des surfaces au mètre carré des lieux de culte en France, « a favorisé l'émergence d'une représentativité qui ne reflète en rien la sociologie de l'Islam de France », que « l'évaluation de la représentativité au mètre carré frustre les musulmans de France qui ne comprennent pas que la foi puisse se mesurer au mètre carré, constituant ainsi une injure à l'état religieux des musulmans de France ». Le FNGMP explique que ce mode d'évaluation « réduit injustement la représentativité de la première communauté de France (algérienne, ndlr) liée historiquement et cultuellement à la longue histoire de la France avec l'Algérie ». La communauté algérienne, « ancienne et bien intégrée dans la société française, se voit considérablement réduite au profit de lieux de culte récemment édifiés, en périphérie urbaine voire dans les campagnes, qui ont des surfaces importantes leur permettant d'exploiter à leur avantage le critère électif inique du mètre carré 'cultuel' », affirme la FNGMP. Depuis la création du CFCM en 1999, la FNGMP a rejeté le critère du mètre carré, a indiqué son président, Dalil Boubakeur et les présidents des huit fédérations régionales au cours d'une conférence de presse à l'issue de leur réunion extraordinaire. Au cours des deux élections du CFCM (2003, 2005), « un consensus avait pu s'établir sous l'autorité de l'Etat (Nainville-les-Roches et Place Beauvau), afin de corriger le déséquilibre évident lié à ces critères et de réduire la discordance de représentation des communautés en cause en attendant les correctifs nécessaires à ce critère injuste », ont-ils souligné. Il reste qu'au jour d'aujourd'hui aucun consensus n'a pu s'établir, ni même être ébauché « malgré les efforts déployés par la Fédération nationale de la grande mosquée de Paris », ont-ils ajouté et de préciser que « la consigne officielle étant d'aller aux élections sur la base de ce critère du mètre carré cultuel », ce qui « équivaut à valider et entériner définitivement ce mécanisme électoral absurde ». L'application stricte de ce critère de mètre carré mettra en minorité la communauté algérienne représentée par la FNGMP, sa surface au mètre carré étant de 15% de la surface totale comptabilisée. La FNGMP refuse que la communauté algérienne qu'elle représente soit reléguée à un « rôle secondaire » et à « une place insignifiante ». « C'est une compétition qui nous paraît de mauvais aloi », a indiqué Dalil Boubakeur. « La foi et la pratique cultuelle ne sont pas une question de mètre carré mais de rayonnement et de respect de la loi de la République », a-t-il ajouté. « Nous avons tout fait pour asseoir l'Islam de France à la table de la République ». « Nous n'avons pas cessé de dire notre disponibilité à discuter pour trouver un consensus. Nous demandons l'équilibre de la représentation et un consensus pour qu'il n'y ait ni vainqueur ni vaincu. » D'autres intervenants ont fait état de fraudes lors du comptage des lieux de culte, de recours devant les tribunaux administratifs au cours des précédentes élections des conseils régionaux. « Elections biaisées selon des critères absurdes » La FNGMP soutient qu'il faut tenir compte de la fréquentation de la prière du vendredi, de l'ouverture des mosquées aux cinq prières de la journée, de la personnalité des imams. La FNGMP, rappellent aussi ses dirigeants, a pris en charge, durant les deux mandats successifs, le fonctionnement du CFCM « sur ses propres deniers » et « n'a ménagé aucun effort en matière de logistique et de soutien pour le rayonnement du culte musulman ». Tout comme elle a mis à la disposition des associations cultuelles de France plus de 100 imams « rémunérés par ses soins » et qu'« elle a toujours mobilisé son réseau de bénévoles pour l'exercice digne des musulmans de France de leur culte ainsi que pour la réussite de la mission du CFCM ». Que pourrait être un CFCM sans la grande mosquée de Paris ? Quelle légitimité et quelle crédibilité pour cette instance sans l'institution phare de l'Islam en France ? L'Islam que la mosquée de Paris véhicule et représente est un Islam séculier, les musulmans qui fréquentent ses lieux de prière sont réputés être des pratiquants paisibles. Cet Islam risque de se voir supplanté par un Islam qualifié de plus radical, celui véhiculé par des mosquées d'obédience marocaine notamment, plus récemment implantées, notamment dans les banlieues des grandes villes, ou gérées par l'UOIF. Khadidja Khalli, présidente de la Fédération des femmes musulmanes de France a voulu faire une mise au point en disant que « c'est à nous musulmans de France de choisir ceux qui devront nous représenter. Nous n'accepterons pas que la France devienne un pays de salafistes ». Comment réagiront les pouvoirs publics, en premier lieu Nicolas Sarkozy qui a tout mis en œuvre pour que cette institution voit le jour, à la décision de la FNGMP, « une décision prise de manière nette, claire et consensuelle de ne pas aller à des élections biaisées selon des critères iniques », a appuyé Dalil Boubakeur. Et d'ajouter : « Il nous reste à nous tourner vers nos autorités auxquelles nous disons qu'il y a lieu d'apporter un correctif très sérieux. Dans l'attente d'un rétablissement de justice nous sommes ouverts à toute discussion. »