L'Algérie s'est déclarée prête à recevoir le nouveau rapporteur spécial sur la liberté d'expression et d'opinion. Le même accord a été signifié pour la visite du rapporteur contre la torture. Les recommandations finales, adoptées en privé, vont être rendues publiques le 16 mai. Après avoir présenté son rapport et répondu aux interrogations des experts, l'Algérie a fait état lundi dernier de ses réponses aux questions supplémentaires du Comité contre la torture, dépendant du Haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU à Genève, entrant dans le cadre de la 40e session réunie à Genève depuis le 28 avril dernier. Cette session, la 40e, porte sur l'examen par dix experts indépendants des situations de huit pays, dont l'Algérie, l'Australie, la Suède, l'Islande, l'Indonésie, la Zambie, la Macédoine et prendra fin le 16 mai. L'examen du rapport de l'Algérie a été entamé le 2 mai, alors que le 5 mai a été consacré aux questions des experts et aux réponses de la délégation algérienne. Celle-ci a été interpellée à travers d'autres questions dites supplémentaires dont la première a émané du rapporteur du comité (pour l'examen du rapport de l'Algérie). Tout en rappelant qu'aucune situation ne peut être invoquée pour justifier la torture et que tout acte de torture doit faire l'objet de poursuites, il a relevé que l'article 45 de l'ordonnance de mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation semble dire le contraire. Il a expliqué que du point de vue du droit, cet article semble permettre une amnistie pour les agents de l'Etat. Pour lui, la législation semble limiter la possibilité pour celui qui aurait subi la disparition d'un proche de s'enquérir auprès des autorités et de demander une enquête à ce sujet. « Dans quelle mesure la situation qui prévaut en Algérie aujourd'hui justifie-t-elle l'application de l'état d'urgence ? », s'est-il interrogé, en suggérant que celui-ci pourrait être levé. La charte pour la paix et les violences contre les femmes Une experte du comité a considéré que les déclarations de la délégation algérienne ne cadrent pas avec les informations reçues. Citant le cas des violences contre les femmes, l'experte s'est référée aux affirmations de la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes faisant état d'une impunité généralisée. Elle a demandé s'il y a eu une enquête pour établir qui est responsable d'actes tels que ceux qui se sont produits à Hassi Messaoud. Une autre experte a relevé que la délégation algérienne a admis qu'il y avait des dispositions prévoyant d'empêcher des poursuites, en vue de garantir la paix et la sécurité, estimant que de telles mesures sont contraires à la convention. Dans le cas de la personne décédée en garde à vue qui se serait suicidée par pendaison, l'expert a demandé pourquoi la famille n'a pas eu accès au rapport du médecin légiste. Dans ses réponses, la délégation algérienne a apporté de nombreuses précisions. S'agissant des questions du comité portant sur l'amnistie, elle a expliqué que les membres des forces de l'ordre ne peuvent être poursuivis pour des actes commis dans l'exercice d'opérations militaires, sauf s'ils commettent un acte à titre personnel, comme un viol, par exemple. Elle a néanmoins reconnu que les trois conditions limitant les poursuites sont larges et peuvent être sujettes à interprétation. Pour ce qui est des bénéficiaires des indemnisations, elle a déclaré que rien n'empêche les familles de porter la disparition d'un proche devant la justice pénale. Toutefois, au sujet de la violence contre les femmes, la délégation a affirmé que l'Algérie a demandé à la rapporteuse sur les violences à l'égard des femmes de fournir les noms se référant aux situations dans lesquelles des auteurs de viol auraient été amnistiés en vertu de la charte pour la paix et la réconciliation, mais n'aurait pas reçu de réponses. Pour ce qui est de l'amnistie, la délégation a relevé que la promulgation en 2006 de la charte pour la paix et la réconciliation n'a pas empêché les autorités, depuis, de lancer des poursuites à l'encontre d'agents de la force publique. Revenant sur la liste des personnes portées disparues, la délégation a indiqué que l'Algérie ne peut pas publier la liste des personnes disparues du fait qu'il s'agissait de cas individuels et privés. Sa publication, a-t-elle noté, pourrait donner lieu à des protestations comme cela a été le cas lors de la publication de la liste des contribuables italiens, indiquant leurs revenus. Dans ses réponses apportées aux questions qui lui ont été adressées le 2 mai, entre autres sur l'état d'urgence, la charte pour la réconciliation et les disparus, la délégation algérienne, dirigée par Driss Djazaïri, représentant permanent de l'Algérie auprès de l'ONU à Genève, a fait remarquer que l'institution de l'état d'urgence n'a pas conduit à la suspension de la Constitution et que les restrictions ont été graduellement levées, sauf l'option de réquisition des unités de l'Armée nationale populaire à laquelle le ministre peut avoir recours, selon la situation sur le terrain. Les criminels et la force publique Pour la délégation, la puissance publique a recouru à la force pour s'opposer à des criminels armés voulant prendre la nation en otage et « on ne peut comparer cette situation à celle de pays ayant eu recours à la force pour réprimer et opprimer l'opposition ». Au sujet des personnes placées en garde à vue, la délégation a affirmé que celles-ci ont le droit de communiquer avec leur famille, d'être examinées par un médecin de leur choix et d'être informées de tous leurs droits par l'autorité judiciaire. Pour ce qui est de l'attribution de la justice militaire, la délégation a déclaré que celle-ci ne juge que les délits militaires, « sauf en ce qui concerne des actes portant atteinte à la sûreté de l'Etat ». Le tribunal militaire, a-t-elle noté, est dirigé par un civil, ses décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême et ses audiences sont publiques. Au sujet de la violence contre les femmes, la délégation a fait état de la création de lieux de réhabilitation et d'apport d'un soutien psychologique et financier, tout en affirmant que 5730 femmes victimes de violence terroriste ont reçu des indemnisations pour les dommages qu'elles ont subis. La délégation a fait état d'un plan de lutte contre la violence à l'égard des femmes étalé sur 4 ans (2007-2011), qui intègre le lancement d'une enquête générale de prévalence, la création d'une commission de lutte contre la violence contre les femmes et de centres nationaux d'accueil et de cellules d'écoute. Enfin, la délégation s'est déclarée favorable à une visite du rapporteur contre la torture, mais a exprimé son souhait qu'elle soit justifiée par un mandat précis. De même, s'agissant de la procédure spéciale sur la liberté d'expression et d'opinion, l'Algérie a indiqué qu'elle attendait une demande de visite de la part du nouveau rapporteur spécial.