Les énarques sont contents. Ils fêtent un heureux événement qu'ils désirent marquer d'une pierre blanche. Il serait inconvenant de mettre un bémol à cette noce joyeuse, d'autant que l'on promet de fouetter ses méninges et de faire chauffer la matière grise pour soulager un secteur ankylosé. On n'invente pas le fil à couper le beurre, en répétant que le citoyen a de sérieux motifs pour ne pas cautionner ou approuver cette liesse. Pour lui, les choses n'ont pas changé. Il boit le calice jusqu'à la lie et supporte le fardeau de procédures harassantes, longues et inutiles. Son rapport à l'administration est fait de conflits, de sottes démarches, de coûteux déplacements. Pour régler un problème, il faut un sésame, un sérieux coup de pouce. Il s'en trouve toujours de sacrés cornichons auxquels on délègue une autorité pour vous faire suer, de vrais goujats au bord de l'hystérie pour vous mener la vie dure. On s'arroge presque un droit régalien que seul l'immobilisme de l'administration autorise. Glissez-leur une gratification et ils deviennent alors tout ce qu'il y a de fleur bleue, de jolis myosotis. N'a-t-on jamais assisté au spectacle navrant de préposés curieusement atteints par la mouche tsé-tsé qui friment et musardent, quand ils ne somnolent pas tel un boa, au moment où il faut traiter avec célérité les affaires des citoyens. Bien sûr, il existe toujours des commis honnêtes qui ne cèdent jamais au mépris, à l'indolence, ni à l'arrogance pour s'acquitter de leurs tâches. Mais l'administration, véritable service public, craque comme un éléphant qui piétine un sac de noix. Elle a du plomb dans les tripes. Avec elle, on ne perd jamais rien pour attendre. Plutôt que de monter à califourchon sur un nuage rose, nos administrateurs ont de bonnes raisons de se faire du mourron, si tant il est vrai que l'idée de secouer le cocotier leur traverse l'esprit. Les pouvoirs publics annoncent une réforme qui ferait « table rase » de toutes ces maladies infantiles qui rongent le corps de ce mastodonte. Heureuse décision que l'on applaudit des deux mains.