« Si l'Europe veut coopérer avec nous, qu'elle le fasse avec la Ligue arabe ou l'Union africaine (...). Nous n'acceptons pas que l'Europe traite avec un seul groupe de pays », a déclaré Mouammar Kadhafi hier au minisommet arabe sur l'UPM. Le discours inaugural du guide libyen Mouammar Kadhafi hier à Tripoli à l'ouverture du minisommet arabe sur le projet de l'union pour la Méditerranée (UPM) ressemble fort à une oraison funèbre de par sa tonalité. « Nous sommes des pays membres de la Ligue arabe et aussi de l'Union africaine et nous ne prendrons en aucun cas le risque de déchirer l'unité arabe ou africaine. Il faut que nos partenaires (européens) comprennent bien cela. » C'est en ces termes que Kadhafi a prié le président français mais surtout l'Union européenne de revoir radicalement sa copie. Il aura ainsi donné le ton de ce que sera la position de beaucoup de pays arabes par rapport à ce projet à un peu plus d'un mois du sommet de Paris devant proclamer la naissance officielle de cet ensemble géopolitique. Curieusement, la présence d'Israël ne figurait pas hier en pole position dans l'exposé des motifs du refus arabe tel que décliné par Kadhafi. Le dirigeant libyen a placé la barre très haut pour ne laisser pratiquement aucune chance de négociations avant le 13 juillet. « Si l'Europe veut coopérer avec nous, qu'elle le fasse avec la Ligue arabe ou l'Union africaine (...) Nous n'acceptons pas que l'Europe traite avec un seul groupe de pays », a-t-il ajouté. Le guide libyen a donc retourné à l'Europe ses propres arguments, en soulignant que ce projet ne pouvait se faire sans associer la Ligue arabe ou encore l'Union africaine au sein desquelles les pays de la rive sud de la Méditerranée jouent un rôle primordial. Kadhafi reproche à l'Europe d'avoir récupéré le projet de Sarkozy – jugé tout de même plus intéressant – pour en faire un butin collectif à tous les pays de l'union. Le fait d'associer à l'UPM tous les pays du vieux continent est aux yeux du guide libyen une preuve que l'Europe est soucieuse de son unité mais souhaite désunir ses partenaires. « L'UE veille sur son unité et refuse sa division et l'initiative de notre cher ami (le président français Nicolas Sarkozy) a été rejetée fermement par l'Europe. La Ligue arabe n'accepte pas également de disperser ses rangs et de détruire son unité », a encore dit le dirigeant libyen. Sentencieux, Kadhafi assènera que l'UPM est un « projet passager » voué à l'échec comme ceux du processus de Barcelone ou de la politique de voisinage de l'UE avec ses partenaires de la rive sud de la Méditerranée. En bon porte-parole de l'Algérie, la Tunisie, la Mauritanie, le colonel Kadhafi a qualifié les projets économiques promis aux pays du sud de la Méditerranée dans le cadre de l'UPM de simple « appât » voire « une sorte d'humiliation » pour ces pays. « Nous ne sommes ni des affamés ni des chiens pour qu'ils nous jettent des os », tonnera-t-il devant Abdelaziz Bouteflika, Zine El Abidine Benali, Bachar Al Assad et Sidi Ould Cheikh Abdellahi et le Premier ministre marocain Abbas El Fassi. De fait, cette salve tonitruante de Mouammar El Kadhafi va assurément torpiller voire couler les derniers espoirs de l'Union pour la Méditerranée revue et corrigée par la Commission européenne. En effet, la France avait vu son projet lifté et dévitalisé surtout pour les pays du Sud lors du sommet de l'Union européenne. En tout état de cause, le discours prononcé hier par le guide libyen est assimilable à une sorte de front de refus de tous les pays participants tant ce minisommet devait aboutir à une position commune, comme l'annonçaient les organisateurs. Sentant le roussi, le président égyptien, Hosni Moubarak, qui fait fonction de rabatteur et de démarcheur au profit des Européens, a zappé le crochet de Tripoli. Quant au Maroc, son jeune roi est dans une position inconfortable du fait qu'il soit à la fois l'allié privilégié de la France et le président de l'association mondiale d'El Qods ainsi que le « commandant des croyants ». Ce statut « spirituel » l'empêche d'assumer publiquement l'intrusion d'Israël dans l'UPM sans en être spécialement opposé, comme l'a suggéré récemment Sarkozy. C'est pourquoi il a préféré dépêcher son Premier ministre à Tripoli pour ne pas se mouiller.