Les multinationales, les milliardaires, les fonds financiers, les organisations criminelles transnationales et les groupes terroristes sont des puissances privées. « Elles sont parfois plus puissantes que les Etats », a relevé, lors du colloque international sur « la gouvernance et l'Intelligence économique » organisé par l'Université de la formation continue (UFC), à l'hôtel Sheraton-Club des pins, Christophe Stalla-Bourdillon, expert français en stratégie. Emergeant à la faveur de la mondialisation, ces puissances ont, selon lui, tendance à vouloir déstabiliser les Etats pour plusieurs raisons. « En 2001, les Etats-Unis ont été défaits par une puissance privée, le groupe terroriste Al Qaïda(...). Les puissances privées sont réactives, flexibles, mobiles (comme les fonds financiers), et parfois non ancrées à un sol ou une nationalité. Elles cherchent à asservir les Etats et non pas à les détruire », a-t-il relevé. Les deux armes de ces puissances qui cherchent à maximiser les profits sont la force (la violence) ou la séduction (l'argent). Ces puissances disposent, selon lui, d'immenses moyens financiers et recourent, sans état d'âme, à la corruption à grande échelle. « Elles ne sont pas démocratiques (...). N'attendons pas trop des structures de contrôle censées les réguler. Elles sont souvent d'une efficacité relative selon les Etats », a remarqué Christophe Stalla-Bourdillon, également enseignant en macroéconomie à l'ESSEC (école de commerce), conseiller au Mouvement des entreprises de France (Medef) et consultant pour le secrétariat général de la Défense nationale(SGDN). D'après lui, sur les 50 grandes puissances mondiales, 16 sont des entreprises. Il a cité l'exemple du géant américain de la grande distribution Wall Mart, dont le chiffre d'affaires égale le PIB de la Suède. Les ventes de Wall Mart, qui emploie 2 millions de salariés à travers le monde, ont dépassé les 301 milliards de dollars en 2007 (presque trois fois les réserves de change algériennes !). Selon Christophe Stalla-Bourdillon, la fortune de 1125 milliardaires dans le monde équivaut à 2 fois le PIB de l'Inde et 44 fois celui de l'Algérie (PIB estimé à 110 milliards de dollars). « Je ne diabolise pas ces puissances, mais il faut un meilleur contrôle des flux financiers. Il faut recourir aux actions d'influence préventives, à l'anticipation, au renseignement, et s'il le faut, aux actions de répression. Pour cela, l'Etat doit être un stratège et chercher à avoir de l'influence... », a-t-il estimé. Il serait, à ses yeux, toujours bon pour les Etats d'attirer les puissances privées saines sans tomber « dans le jeu de la séduction ». Cela dit, le concept de l'Intelligence économique (IE) reste peu précis. Un conseil du gouvernement algérien de 2006 a tenté de trouver une définition à l'IE : « démarche d'anticipation et de protection dans le futur, fondée sur les liens qui unissent les réseaux d'entreprises et ceux des opérateurs économiques ». D'après une note de présentation du colloque d'hier, préparée par l'UFC, l'Intelligence économique désigne l'anticipation et l'ensemble des actions permettant à une organisation « d'identifier les raisons d'aller dans telle direction, compte tenu des informations et des connaissances en sa possession ». Selon Mohamed Bahloul, économiste, l'Intelligence économique est la quatrième phase de la croissance dans la définition du capitalisme. Elle intervient après le travail, le capital et la technologie. Pour Abdelhamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, l'Intelligence économique est basée sur la collecte et le traitement de l'information qui aide à la prise de décision au niveau de l'entreprise ou au niveau macroéconomique. « Le renseignement a toujours fait partie des préoccupations des Etats (...), les renseignements économiques et militaires ont toujours été très liés au pouvoir politique », a-t-il noté, soulignant l'importance de « la puissance publique » dans ce domaine. Alain Juillet, haut responsable en charge de l'Intelligence économique auprès du Premier ministre français, a estimé que cette intelligence n'est pas de l'espionnage. « Car, 95 % des informations liées aux entreprises sont publiques. Il faut bien les collecter et les analyser. On n'a pas besoin d'espionnage », a-t-il noté. Point de vue que ne partage pas Mohamed Bahloul qui a relevé que pour être informé sur un nouveau produit ou un nouveau service et en étudier les influences éventuelles, l'espionnage est la seule solution. « Il n'y a pas d'autres moyens pour être informé et anticiper », a-t-il noté. D'autres intervenants ont expliqué que l'Intelligence économique repose sur la veille, la protection de l'information (qui peut être précieuse) et sur l'influence qui use, elle aussi, du système élaboré de données.