Dans un quotidien national du jeudi 9 mars de l'année en cours, M. Richard N. Haass, dans un article publié en page 10, intitulé « Repenser la souveraineté », ne propose rien moins que de déconstruire l'Etat en raison de la mondialisation et de l'apparition de nouvelles forces économiques et politiques qui sont venues limiter davantage sa « souveraineté ». Il cite pêle-mêle les multinationales, les ONG, les groupes terroristes, les cartels de la drogue, les banques et les fonds de capitaux transnationaux. Il revendique de nouveaux mécanismes limitant la souveraineté de l'Etat au nom de la bonne gouvernance mondiale impliquant ces forces. Sans aller jusqu'à réclamer pour ces forces un siège à l'AG de l'ONU ou au sein de son Conseil de sécurité, il avance un argument massue à savoir la réponse aux défis mondiaux et régionaux comme si les Etats, dans leur configuration actuelle, se tiennent les bras croisés face aux dangers planétaires de toutes sortes. A aucun moment, il n'appelle à la coopération ou au partenariat pour s'associer autour de la riposte à ces défis. Il invite les Etats à se préparer à ces scénarios en citant l'exemple de l'OMC et les problèmes environnementaux mondiaux. Il avance, très sérieusement, que les Etats ont perdu leurs capacités de contrôler ce qui (se) passe aux frontières confondant sciemment la frontière réelle (aérienne, maritime et terrestre) et la frontière virtuelle (Internet) : personnes, idées, gaz à effet de serre, biens, dollars, drogue, virus (lesquels ?), courriers électroniques, armes et tant d'autres choses. En avançant une sentence « la souveraineté n'est plus un sanctuaire », il conseille aux Etats d'abandonner leur souveraineté pour se protéger eux-mêmes et ne pas s'isoler. A l'appui, et c'est là où les visées néocoloniales transpirent, il cite la riposte américaine face au terrorisme et rapporte les actions d'agression, les plus récentes, de son pays envers des Etats souverains, Afghanistan, Irak. Il est encore une fois sentencieux en disant : « La souveraineté n'apporte plus une protection absolue » et que « la souveraineté ne protège plus un Etat ». Le danger de son argumentation se précise quand il justifie « l'élimination d'un Etat quand son gouvernement est incapable de subvenir aux besoins essentiels de sa population ». Si l'échec d'un Etat induit des flux humains susceptibles d'être captés par le terrorisme, qu'en est-il des flux humains agressés par une puissance étrangère au motif farfelu de chercher des armes de destruction massive ? Il fait mine d'ignorer que ces flux deviennent des résistants et pas des terroristes. Entre le Kosovo, le Rwanda et le Darfour (Soudan), il n'a pas le courage et la probité intellectuelle pour rappeler les raisons à la base des interventions étrangères dans ces trois contrées qui n'ont aucun lien entre elles. Il conclut par proposer un nouveau concept très dangereux pour la paix et la sécurité internationales à savoir « une souveraineté conditionnelle voire contractuelle ». Comment et entre qui et qui, il nous laisse le privilège de le deviner. Ce que M. Richard Haass ne dit pas, c'est que l'organisation actuelle des relations internationales, qui a certes besoin de réformes de tout autre nature, et certainement pas dans l'intérêt étroit de l'Oncle Sam, n'autorise aucun Etat, y compris son pays les USA, à « soutenir le terrorisme, à transférer ou utiliser des armes de destruction massive, ou à perpétuer un génocide ». Depuis 1945, les USA ont soutenu et financé le terrorisme qui leur était favorable dans la guerre froide. Ils ont fabriqué des armes de destruction massive qu'ils ont déplacé sur la tête de nombreuses populations, par les voies aériennes, et commis des massacres humains de grande ampleur un peu partout dans le monde. D'après sa théorie, voilà un pays, son pays l'Amérique, qui devrait « perdre le bénéfice normal de la souveraineté et se voir confronté aux attaques, aux déplacements ou à une occupation ». Ayant à l'esprit le besoin d'avaliser ses vues étroites, parce qu'il se rend compte qu'il réfléchit au bénéfice de l'Oncle Sam, comme nous nous réfléchissons au bénéfice de nos pays et de tous les pays faibles et arriérés, il met au défi la diplomatie mondiale pour lui imposer de réagir en troupe affolée derrière les USA pour « obtenir un soutien général » à l'agression maquillée (scénarios en préparation Iran, Syrie, Corée du Nord, etc.). Pour conclure, il avance en terrain miné, pour dire que le but consiste à « redéfinir la souveraineté dans le contexte de la mondialisation » mais en se gardant toutefois de remettre en cause d'après lui « les limites nécessaires à la violence entre Etats » qui devrait être préservée. Et c'est là où, comme son pays d'ailleurs, il fait table rase de tout l'édifice institutionnel mondial construit âprement depuis des siècles, souvent au prix de sacrifices humains très lourds, pour organiser la Société des nations dans la paix et la sécurité mondiales : politique et économique. Il constate, seul contre tous, que les antagonismes entre Etats ont disparu (sic) et invite ces derniers à orienter leurs forces contre les interactions entre certains Etats (axe du mal n'est-ce pas) et les forces mondiales du mal (cartels de la drogue et terrorisme cités plus haut, en bonne place, à la suite des multinationales, ONG et fonds de capitaux transnationaux), ou bien encore entre les gouvernements et leurs citoyens. Voilà rapporté fidèlement l'argumentaire de ce monsieur pour repenser la souveraineté. La souveraineté est quelque chose pour laquelle des millions d'hommes et de femmes ont lutté depuis des siècles pour aboutir dans des formulations juridiques très pointues consignées dans les textes fondamentaux de l'ONU depuis 1945 soit à la fin de la plus meurtrière des guerres : la Seconde Guerre mondiale. Malgré le concept de souveraineté limitée accepté « souverainement » par ces Etats en devenir issus du mouvement de décolonisation et qui s'essayent aujourd'hui au mouvement de démocratisation qui imposera tôt ou tard une démocratie mondiale dans la limite des Etats-nations quand bien même ils se regroupent dans des constructions régionales (UE, pays arabes et musulmans, Asie, Afrique). S'il est vrai que la caractéristique principale du droit international, contrairement aux droits nationaux, est qu'il est inapplicable sans justement la souveraineté des Etats qui l'accepte et participent à sa formulation, ses seuls sujets, à côté de toutes les personnes morales qu'il organise à l'appendice des institutions mondiales de sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales, du progrès et du développement économique et social des peuples, des mécanismes et des idéaux qu'il met en oeuvre pour la bonne entente des peuples sortis ruinés des guerres notamment coloniales, il n'en demeure pas moins que la réforme de l'organisation mondiale telle que souhaitée par les altermondialistes opposés à la marchandisation des valeurs humaines pour lesquelles sont tombés nos aïeux, là où ils sont tombés, quelle que soit leur religion ou leur nationalité, pour que vive l'homme en paix avec ses semblables, sur ses terres et avec ses richesses, constitue le dernier des soucis de cet individu. Nous marquons une halte pour riposter, en usant des armes de riposte massive que sont la plume et les médias, à ce genre de réflexion, émanant de personnes très au fait des relations mondiales, serviteurs zélés de gouvernements agresseurs en manque de théories pour justifier l'injustifiable. L'histoire a tendance à se répéter quand elle ne bégaie pas et finalement il n'y a que les décors qui changent : on se tirait à coups de canons, on peut toujours se tirer à coups de missiles de croisière. Le résultat restera le même ; désastre et mort d'hommes que rien ne justifie et surtout pas que la guerre est une réponse au chômage et aux problèmes de stagnation économique. Détruire pour reconstruire et ainsi de suite. Si les USA trouvent aux arguments de ces "penseurs" des constructions morales pour justifier l'agression dans le contexte de la mondialisation, il faut aussi que les hommes de paix déconstruisent ces farces intellectuelles pour construire un monde d'Etats souverains dans les limites convenues par les instruments de gestion des relations et institutions internationales que nous, ici, nous connaissons sur le bout des doigts et connaissons surtout, dans notre chair, ce que l'humanité a enduré pour y arriver à leur codification. Alors ne repensez pas la souveraineté pour le droit d'agression et d'ingérence, des milliards d'hommes et de femmes ne vous y autorisent pas. Le principe de non-agression et de non-ingérence dans les affaires des nations sont les garants de l'ordre mondial dont nous souhaitons un fonctionnement démocratique moderne et non la politique de la canonnière qui n'a jamais rien réglé. Toutefois nous devons prendre conscience, avec le monde développé et celui en voie de développement, que les dangers sont à venir. Tous les empires ont chuté à un moment de leur histoire, il y a nécessité impérieuse à veiller à ce que les USA ne chutent pas en entraînant le monde dans le chaos concocté dans les laboratoires des fous de l'apocalypse. L'effondrement économique des USA touche à la sécurité du monde. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous nous devons de les orienter vers les causes de l'homme qui travaillent son émancipation un peu partout dans le monde au lieu de leur miroiter des gains de nouvelles richesses, nécessaires à leur expansion sur le dos des peuples en retard de développement et encore plus en retard en termes de défense de leurs territoires et richesses. Il nous semble, lucidement, que c'est le prix à payer pour dissuader l'agression et l'emploi de la puissance au service de causes mortelles pour l'humanité vivant et devant coexister pacifiquement sur cette terre nourricière, ainsi qu'il est dit et convenu dans la charte des Nations unies. Plaise à Dieu. 1- Bureau de Washington Amnesty International Human Rights & US Security Assistance 1996. 2- Président du Conseil des relations étrangères et auteur d'un ouvrage « The opportunity : America's Chance to Alter History's Course (Une occasion à saisir : l'Amérique peut changer le cours de l'histoire) ». 3- Lire à ce sujet l'ouvrage de William Blum, commun courage press 2001, ancien fonctionnaire du département d'Etat « L'Etat Voyou », titre original : « Rogue State : A Guide to the World's Only Superpower ». L'Aventurine Paris 2002 pour l'édition française ISBN 2-84690-075-4 . W. Blum écrit « que s'il n'y a pas de justification au 11 septembre, il y a certainement des raisons. L'Etat voyou démontre comment sous couvert de liberté, de démocratie et de droits de l'homme, les Etats-Unis commettent des actes criminels barbares, et agissent de la façon la plus belliqueuse qui soit ». 4- Etat le plus endetté du monde, a toujours tiré profit du $ étalon, veut perpétuer sa domination totale.