D'ailleurs, les appellations des douars dans cette région demeurent, dans la plupart des cas, à connotation berbère, à l'instar de Tighelmamine, Alaghouazrou, Ighil Ali (à ne pas confondre avec une commune de Béjaïa), Tizeghouine, Tighir Oudhra, Tifraouine... Dire qu'on n'est ni à Bouira, ni à Tizi Ouzou, encore moins à Béjaïa, mais à Blida. Cette dernière a son propre tamazight, qui risque toutefois de disparaître dans quelques année dans la mesure où l'Atlas blidéen n'est plus habité par les « autochtones ». Ces derniers, pour une raison ou une autre, vivent actuellement dans des centres urbains où l'utilisation du dialecte en question y est quasi-inexistante. A Sidi El Kebir, à titre d'exemple, une localité située à 5 km sur les hauteurs de la ville de Blida, quelques « personnes âgées » continuent de parler occasionnellement ce dialecte qui se rapproche beaucoup plus du kabyle que du chalhi et chenoui. Ammi Ahmed, un septuagénaire habitant ce lieu, nous remonta des années en arrière où le « salhi », (appelé ainsi par quelques-uns par rapport à la tribu des Beni Salah), fut le plus utilisé dans l'Atlas blidéen. A Braghtha, un douar montagneux où vivait notre interlocuteur, la population y était dans sa quasi-totalité, berbérophone. Toujours, selon Ammi Ahmed, la régression du « salhi » a commencé déjà lors de la révolution nationale, lorsque l'armée française avait chassé les habitants de leur douar vers des camps de concentration situés non loin des villes et ce afin de contrecarrer les différentes actions menées par les moudjahidine dans les maquis. « C'est suite à notre brassage avec la population arabophone qui nous a poussés à abandonner l'utilisation de ce dialecte », nous dira-t-il, avant d'ajouter qu' « après le retour de quelques familles dans leur douar au lendemain de l'indépendance, ces dernières ont été contraintes de quitter ces lieux lors de la décennie noire pour des raisons de sécurité, chose qui a provoqué davantage la régression de notre langue maternelle ». Pour un groupe de sexagénaires rencontrés à Sidi El Kebir, le « tamazight blidéen » disparaîtra carrément du « paysage communicatif » d'ici une dizaine d'années faute de relève. « On comprend quelques termes seulement du tamazight, et il nous est quasiment impossible de communiquer avec ce dialecte », essayent de nous expliquer trois individus, pourtant âgés tous de plus de 40 ans ; alors qu'en est -il de la nouvelle génération ? Enfin, en l'absence d'actions menées par les pouvoirs publics, les chercheurs linguistiques et le mouvement associatif pour préserver « le patois local », louable était l'initiative de la Radio nationale (Chaîne II) qui avait rendu hommage récemment au « tamazight blidéen ». Les rares berbérophones de Sidi El Kebir, qui ont été interviewés durant le reportage, ont eu la chance de parler « longuement », et « aisément » leur dialecte favori. Pourvu que ce média s'implique davantage pour la préservation du patrimoine amazigh local.