A trois jours du premier tour de manivelle de la prochaine sitcom comique de la Télévision algérienne, le producteur de SD Box, Sid Ahmed Guenaoui, tentait, tant bien que mal, de garder son calme. « Je commence à en avoir assez des faux problèmes », nous lance-t-il entre deux coups de fil. Ses jeunes collaborateurs semblent presque aussi crispés que le patron. Au siège de la maison de production à Sidi Yahia, les visiteurs, nombreux ce jour-là pour effectuer des castings ou réclamer des stages de formation, faisaient à peine attention à la diffusion sur écran plat du feuilleton Mawid maa el qadr (Rendez-vous avec le destin), l'une des plus grandes fiertés de SD Box. Accroché à son téléphone portable, Sid Ahmed Guenaoui négocie avec le directeur technique de l'ENTV l'obtention de matériels pour le tournage. « Nous sommes mercredi. Le tournage doit débuter samedi. Nous sommes déjà en retard. Si on n'a pas ce matériel maintenant, on devra le louer ailleurs, ça va faire augmenter la facture », s'exclame-t-il au téléphone. La Télévision obtempère d'autant que c'est elle qui règle « la facture ». « Il y a cinq autres productions (dont Saraha Raha et D'zaïr Show) auxquelles l'ENTV confie son matériel. En général, les responsables de la TV gardent toujours une partie de leur matériel pour la Présidence (quelles que soient les conséquences, l'ENTV ne les cédera jamais). Dans ces conditions, il faut jouer des coudes pour avoir les appareils dont nous avons besoin », nous explique l'un des associés de Guenaoui. L'exploitation des moyens de la Télévision algérienne est l'un des avantages des productions « exécutives » ou « co-production déguisée » (selon les termes de Sid Ahmed Guenaoui). « De toutes manières, nous n'avons pas le choix, nous ne faisons que des productions exécutives. Les budgets de production sont énormes et les banques ne facilitent pas les choses. ‘‘Khallina, yarham babek !'' Heureusement qu'on travaille avec l'ENTV », nous dit M. Guenaoui. Il dit avoir un bon scénario sur les harraga qui « dort dans le placard ». « Nous avons besoin d'argent pour le réaliser. La Télévision s'est montrée intéressée mais comme c'est une production cinématographique, nous avons besoin de plus d'argent. C'est ou la Télévision ou le ministère de la Culture et comme les deux ne font pas bon ménage... Bref, ça n'a pas été possible pour l'instant », explique-t-il. L'un des plus grands problèmes des productions algériennes est le manque flagrant des scénaristes. Dans la salle attenante au bureau de Sid Ahmed Guenaoui dont la vue donne sur le cimetière de Sidi Yahia se tient la réunion d'écriture des scénarii. On est bien loin des « writing departments » hollywoodiens. Aux côtés du réalisateur Djaâfar Gacem, un cameraman, un accessoiriste et un jeune dentiste tentent d'imaginer les futures aventures qui devraient faire vibrer le public algérien. « Nous avons reçu sept scénaristes, aucun d'entre eux n'était valable. Nous sommes obligés de faire avec les moyens du bord », déplore M. Guenaoui. Il énumère la liste des personnels dont il a besoin pour son sitcom : « Nous avons besoin d'éclairagistes de cinéma, d'ingénieurs du son, de chefs décorateurs, de costumiers, de maquilleurs ». Pour remédier à ce problème, le patron de SD Box fait appel à une main d'œuvre étrangère. Dimitri, son directeur de la photographie, lui coûte 10 fois plus que les techniciens algériens. « Au moins ils sont garants de la qualité. Il y a les seuls techniciens de la télévision et on est plusieurs à se battre pour les avoir », glisse-t-il. Il y a également les problèmes de routine qui exaspèrent les employés de SD Box. En moins d'une heure, le producteur a dû régler un problème d'escabeau – il a envoyé l'un de ses employés en acheter à El Hamiz – ainsi qu'un problème de fissures sur son plateau. SD Box a loué cette fois-ci un hangar pour les besoins du tournage. « Il n'y a pas d'espace à louer. L'année dernière, nous avons loué une villa. Ceci nous a valu un procès. Le propriétaire, cupide, voulait plus d'argent ». La sitcom sera-t-elle à la hauteur de toutes les difficultés qu'elle a causées ? Réponse au mois de Ramadhan. Ndlr : L'enquête a été réalisée au mois de mai, le tournage est aujourd'hui bien avancé.