Le nouveau chef du gouvernement enfile déjà le costume de chef de chantier et ordonne à ses ministres de porter leurs bleus de travail et filer, sans tarder, vers les chantiers économiques et sociaux en jachère. C'est là la substance du discours tenu hier par Ahmed Ouyahia lors de son premier conseil de gouvernement. Son message est limpide : les voyants sont au rouge, il faut vite aller au charbon pour rattraper ce qui peut l'être à dix mois de l'élection présidentielle. Ahmed Ouyahia a tenu à se faire l'avocat du chef de l'Etat pour donner plus de sérieux mais surtout pour mettre la pression sur ses ministres dans l'exécution des programmes. Une fois n'est pas coutume, le conseil de gouvernement d'hier ne ressemblait pas aux longues et fastidieuses séances d'examen et d'adoption de textes de lois qui faisaient sortir les ministres de Belkhadem prendre l'air ou fumer une cigarette dans le hall du Palais du gouvernement. Ouyahia voulait manifestement accorder les violons et ressouder son équipe pour repartir du bon pied. Il a même zappé les services du porte-parole du gouvernement qui rendait compte des activités du conseil. Ahmed Ouyahia entend gérer personnellement sa communication. Le communiqué rendu public hier par ses services est certes laconique mais l'agenda de travail qui y est souligné est énorme. Mais avant de retrousser les manches, le nouveau chef du gouvernement a pris le soin de bien huiler une machine exécutive grinçante jusque-là. Et c'est à une séance d'instructions, voire de remise des ordres de mission que Ouyahia a soumis ses ministres. Fini les tir-au-flanc et les bouderies séances tenantes. Le nouveau chef a appelé ses ministres à travailler pour « le renforcement de la cohésion et la solidarité gouvernementale ». Le message suggère qu'il n'est désormais plus question pour lui de gérer les ministres en fonction de leurs obédiences politiques. L'urgence est telle que les frictions qui débordaient assez souvent les murs du palais ne sont plus tolérables. Pourquoi ça coinçait avec Belkhadem Pour Ahmed Ouyahia, cette alliance pour le meilleur et pour le pire « constitue une condition essentielle de l'efficacité de l'action ». Sans le vouloir peut-être, il a touché du doigt là où la machine de Belkhadem calait. Et c'est peut-être cette indiscipline et ce manque de poigne qui l'ont emporté. Et du souci d'Ouyahia que ses ministres mettent le cœur à l'ouvrage, il exige également d'eux de fouetter les équipes de leurs départements. Il s'agira d'une « mobilisation plus forte des différents rouages de l'Etat au niveau des administrations centrales et locales ainsi que des entreprises et institutions économiques ». La course contre la montre est ainsi engagée pour un chef du gouvernement tenu par l'obligation de rattraper autant que faire se peut le temps perdu. Pour cause, l'échéance politique majeure de la présidentielle dicte à Ouyahia d'être à « jour » à l'heure des bilans. Sa feuille de route, c'est précisément de mener à terme les chantiers en souffrance du Président pour requinquer son second mandat et justifier une rallonge. Pour ce faire, le commandant de bord Ouyahia a sommé ses ministres d'assurer « un suivi renforcé de la mise en œuvre du programme quinquennal de sorte à lever à temps les contraintes rencontrées et en assurer la réalisation dans les délais programmés ». Ahmed Ouyahia ouvre également un front de lutte contre les fléaux sociaux, « notamment la corruption », contre lesquels il réclame « une plus grande mobilisation ». Parallèlement à ces importants chantiers, le chef du gouvernement a demandé à son équipe de se préparer à « l'étude et à la prise de décisions appropriées » pour un certain nombre de dossiers jugés « urgents ». Il est notamment question de la préparation des rentrées scolaire, universitaire et de la formation professionnelle. Il a en outre demandé aux ministres concernés d'étudier la question « des microcrédits au niveau des différents dispositifs en place ». Cette mesure vient ainsi traduire sa promesse lors du congrès de son parti de voir pourquoi le dispositif Ansej bat de l'aile alors qu'il fonctionnait normalement avant. Ahmed Ouyahia a d'ailleurs révélé lors de sa conférence de presse qu'il allait réunir les PDG des banques pour « remettre de l'huile dans les rouages ». Le chef du gouvernement a instruit le nouveau ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, de prendre les mesures en faveur du secteur agricole, « à la fois pour les éleveurs sinistrés et pour la prochaine saison agricole ». C'est dire, tout compte fait, qu'avec un tel plan de travail, conjugué éventuellement à un référendum sur la révision constitutionnelle, le gouvernement ne risque pas de chômer. Nos ministres risquent même de dire adieu à leurs vacances !