Contre toute attente, l'Ahaggar d'or a été décerné au film syrien Hors zone (hors champ pour la téléphonie mobile, ndlr) de Abdellatif Abdulhamid lors d'une cérémonie organisée jeudi soir au Théâtre de Verdure d'Oran. Rien ne prédisposait cette fiction relatant l'histoire d'un manège à trois, mettant en scène un homme marié qui a succombé au charme de la femme de son ami emprisonné pendant 10 ans, de bénéficier de la plus haute distinction du festival, si ce ne sont des considérations qui n'ont rien à voir avec l'esthétique cinématographique. « Dans notre enfance, nous étions fiers du drapeau algérien et nous chantions l'hymne national algérien en même temps que le nôtre », a déclaré le réalisateur syrien après avoir reçu son prix des mains du commissaire du festival. A l'ouverture, la grande actrice syrienne, Mouna Wassef, a effectivement entonné quelques passages du même hymne et, cette année, l'hommage posthume a été rendu au réalisateur Mustapha El Akkad. Très intéressants, les deux films marocains en compétition ont heureusement eu des prix dont celui du meilleur réalisateur pour Ahmed El Maânouni pour son film Les cœurs brûlés. Une belle œuvre intimiste filmée en noir et blanc, comme une emphase pour mieux peindre ce monde intérieur dont le réalisateur avait avoué qu'il était le sien à 80%. Tourné dans la ville antique de Fez (mais l'auteur est de Casablanca), avec ses arts traditionnels, ses artisans, ses motifs typiquement maghrébins, ses chants folkloriques en arabe dialectal ou berbères modernes, le film, loin de toute image exotique, emprunte aussi à la comédie musicale mais dans un souci d'adaptation qui rend encore plus attrayante cette culture partagée par les pays du Maghreb. Distingué par le prix spécial du jury, le deuxième produit marocain, En attendant Pasolini, qui donne en quelque sorte la parole aux figurants, des humbles gens du sud du royaume que l'industrie mondiale du cinéma a sortis de « l'anonymat » (mais de quelle manière ?), est un film sur le 7e art. Mais pas seulement car, en convoquant le célèbre réalisateur italien, connu pour ses engagements à la cause des pauvres et des marginaux, c'est une œuvre humaniste qui est donnée à méditer par Daoud Aouled Siyad. Sur un autre registre, l'actrice libanaise Nada Abou Ferhat mérite bien la distinction de meilleur rôle féminin dans Sous les bombes de Philippe Aractingi, tourné dans l'urgence et utilisant non seulement des images réelles (caméras amateurs) mais aussi les décors du désastre. Son interprétation de Zeïna, la femme chiite qui cherche son fils après les bombardements israéliens contre le Hezbollah de 2006 était à la hauteur du drame vécu par la population du Sud-Liban. Dans sa prise de parole, s'exprimant contre la guerre, elle a pensé à son compagnon dans le film, l'acteur George Khabbaz qui interprète Toni, un chrétien qui rêve de fuir le pays. Le prix du meilleur interprète masculin est revenu à Ahmed Al Sakka dans El Djazira de Cherif Arafa, une histoire basée sur un fait réel lié au trafic d'armes et de drogue en Egypte. Ayrouwen, le film de Brahim Tsaki tourné en targui (variante de la langue berbère), une belle œuvre dans la continuité de cet artiste qui compose avec le silence, a été gratifié du prix de la meilleure image décerné à Ahmed Messaâd. Pour le meilleur scénario, le jury a préféré récompenser l'Aquarium, de Yousri Nasrallah, une intrigue psychologique sans intérêt car mimétique. Si aucun prix n'a été décerné au film algérien El Kindi, ce qui est très compréhensif, vu la prétention affichée dans ce film pour un résultat franchement médiocre, on se demande par contre pourquoi Khalas du Libanais Borhan Alaouié a été marginalisé. Un film très critique qui ne fait pas l'apologie des Arabes et des “zaïms” comme le rôle campé par Khaled Zaki dans Le cuisinier du président, projeté hors compétition mais dont l'interprète a été honoré lors de cette soirée. Le prix du meilleur court métrage est revenu cette année à l'Egyptien Karim Fanous pour son film de 25 mn intitulé Mains propres. Le jury a décerné 2 prix spéciaux respectivement pour le Marocain Mohamed Mouftakir et le Tunisien Malik Amara récompensant Chant funèbre (15 mn) et Le Poisson noyé (18 mn). La soirée de clôture a été animée par le chanteur Khaled.