La silhouette de Cheikh Sidi Bémol se détache dans l'embrasure d'une scène ne payant pas de mine. Hocine Boukella, le cheikh bien nommé de ce groupe de world jazz, en impose à tous par sa voix rauque et sa silhouette longiligne. Il commencera son tour de chant par ses meilleurs succès repris en chœur par un public qui ne déçoit jamais. Il s'y retrouvera, tout compte fait. Paroles indécentes et acerbes, diront les puristes qui en veulent à ce musicien fort en gueule, d'avoir touché au patrimoine. Innovantes et ne ratant jamais l'occasion de donner l'estocade à ceux qui croient tout offrir, répliqueront d'autres. Gourbi rock, titre de son dernier album sorti dans les bacs en 2007, aura la primeur, mais avant, le cheikh (Il l'est à coup sûr), fera un retour intéressé vers les chansons qui l'ont révélé au public. Ma kayen walou kima l'amour, Yemma, Blad e tchina, Goumari, Chkoun Qal, El Bandi, furent les chansons de l'album qui sont devenues autant de réparties reprises par des jeunes déphasés de la capitale et d'ailleurs. Tout le public s'y reconnaîtra, mais pas seulement ; Georges Brassens, auquel il empruntera les tonalités pour sa chanson El Bandi, aussi. Des mélanges musicaux dont raffolent ses partenaires, il n'y a que ça : du rock blues, avec un tantinet de sonorités yal, gnaoui ou encore chaâbi, ainsi que des textes du terroir. Des reprises, CSB en a compté aussi dans son répertoire de quelque 8 albums. Mais aucun ne s'y reconnaîtra cette fois-ci, tellement sa touche personnelle fut décisive. Le concert donné dans l'espace qui lui fut réservé par Arts et Culture a débuté sur les chapeaux de roue ; il commencera avec les déhanchements d'un public nombreux. Pas besoin pour Elho (autre nom de Hocine Boukella) de trop parler à l'intermède, les textes chantés suffisent. CSB, pas loquace ? Nullement. Le texte au vitriol du cheikh fait tilt, et cela en ne faisant que reproduire le pataouète (parler de Bab El Oued) de chez nous, avec cette économie de mots dont l'effet est instantané. Le chanteur n'en use pas trop et le public, pour sa part, n'en demande pas beaucoup. Le musicien, dessinateur à ses heures perdues, a fait des études de génétique à « Babez », mais s'en détachera, préférant, après ses premiers déboires, se consacrer à ses deux passions, la chanson et le dessin, qui lui vaudront une reconnaissance internationale. Il ne mettra pas pour autant un …bémol à ses ambitions et enchaînera les disques. C'est non loin des grottes de Cervantès, à Belouizdad, qu'est né Hocine Boukkela, un Don Quichotte connu pour ses expressions hautes en voix et en couleur. Sauf que, contrairement au spanish, lui ne se résoudra pas à lutter contre les moulins à vent. Sa cible est là, bien en évidence ; les puissants du moment et tout ce qu'ils véhiculent de ringard. « Bandit » d'honneur, va !