La nouvelle entité géopolitique mise sur orbite depuis dimanche au terme du sommet de Paris est déjà attendue au tournant. Paris (France). De notre envoyé spécial L'Union pour la Méditerranée (UPM), dont le faste du lancement aura largement dépassé ses capacités opérationnelles en termes de projets, suscite en effet une foultitude de questions. Et ce n'est certainement pas au président Sarkozy d'y apporter des réponses. Grand vainqueur de ces joutes oratoires méditerranéennes, le patron de l'Elysée aura requinqué considérablement sa cote de popularité en berne ici à Paris depuis quelque temps. Les dirigeants arabes présents au Grand Palais lui ont tendu une planche de salut à peu de frais. Un soutien qu'il a apprécié à sa juste valeur dans une déclaration à la presse, mais surtout hier matin à la tribune présidentielle, place Concorde, en suivant, jovial, le défilé du 14 Juillet en compagnie des présidents Moubarak et Al Assad. Pour lui, la messe est dite. En quittant Paris, l'Union pour la Méditerranée ne lui appartient plus, pas plus que cette responsabilité de récolter des milliards de dollars pour financer une quarantaine de projets. Le fait est que les 33 articles de la déclaration finale sont une succession de bonnes intentions parsemées de points de suspension… « A suivre » semble être le maître mot du texte clé de ce sommet de Paris. Il est d'ailleurs significatif de noter que même l'appellation du sommet a subi un lifting qui en dit long sur les vraies intentions. Désormais, le sigle UPM devrait être rayé, puisque l'entité s'appelle officiellement, « processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée ». Ce subtil montage sémantique confirme, si besoin est, la paternité européenne du projet, même si Sarkozy a bombé le torse histoire… d'entrer dans l'histoire. « Le problème en Méditerranée, c'est le manque de confiance… Il fallait que quelqu'un s'engage. Et le processus vertueux s'est mis en place. Cette union pour la Méditerranée qui était un rêve, est devenue une réalité… » Barcelone revient à Paris… Pour un exercice d'autoglorification, le président Sarkozy est sans doute inégalable. Mais les préoccupations sont ailleurs. En parcourant les 19 pages de la déclaration finale, on prend la mesure du jeu d'équilibre entrepris pour contenter tout le monde. Et la question du conflit israélo-palestinien aura déteint largement sur ce document en dents de scie. Alors que les Arabes ont vainement tenté d'injecter l'Initiative de la Ligue arabe de 2002 qui conditionne la normalisation avec Israël à la création négociée d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967, les Israéliens eux aussi ont buté sur le refus d'y introduire une formulation excluant le retour de réfugiés palestiniens en Israël. Résultat de cette bataille des mots, la déclaration de Paris se contente de renvoyer les « belligérants » à la dernière déclaration européenne et au processus d'Annapolis initié par les Etats-Unis, en 2007. Toujours au sujet du Proche-Orient, si la déclaration fait un plaidoyer en faveur d'un Moyen-Orient « débarrassé d'armes de destruction massive, nucléaire, chimique et biologique » et condamne fermement tout recours au terrorisme, ainsi que « tout amalgame entre terrorisme et religion », elle ne précise pas comment cela pourrait s'appliquer à Israël. De même que « le règlement des conflits, la fin de l'occupation, la lutte contre l'oppression, la réduction de la pauvreté, la promotion de la bonne gouvernance et l'approfondissement du dialogue des cultures et le respect de toutes les religions et croyances » proclamés dans le document s'apparentent à de simples vœux pieux. Ce constat vaut également pour les institutions envisagées de la nouvelle structure euroméditerranéenne. La composition et la taille du secrétariat permanent, le pays de son implantation et l'identité de la personne qui le piloterait sont prévus pour la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères (Euromed) en novembre 2008. Même le financement des projets, clé de voûte, du succès de l'initiative, est balayé par de vagues promesses de mobiliser quelques « institutions financières régionales et les privés ». Mais, contrairement à beaucoup de dirigeants de la rive Sud, à l'image de Bouteflika, qui doutent de la capacité de Barcelone-bis à réunir les fonds, le duo Sarkozy-Moubarak semble détenir la baguette magique. « Ce n'est pas l'argent qui manque, c'est la sécurité », déclare le président français. « La stabilité dans la région drainera les investissements, j'en suis sûr ! », reprend le « ra'is » d'Egypte. Il ne restait au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qu'à lire la sentence : « C'est un moment historique et je pèse mes mots. » Pour Sarkozy, cette petite phrase lui va droit au cœur. Barroso, lui, confirme le retour effectif de l'ex- Union méditerranéenne à « la maison ». Celle de l'Europe. Au final, la distance qui sépare Paris de Barcelone est si courte…