Ennahda, qui manifeste samedi pour défendre sa légitimité à diriger la Tunisie, est une formation islamiste fondée le 6 juin 1981 qui a été longuement réprimée avant de s'imposer, après la révolution et les premières élections libres, comme le principal parti du pays. Tiraillé entre modérés et radicaux, Ennahda rejette la proposition de son propre Premier ministre Hamadi Jebali qui veut former un gouvernement apolitique pour résorber les tensions nées de l'assassinat de l'opposant anti-islamiste, Chokri Belaïd le 6 février. Ennahda (Renaissance) a été fondé par son chef historique Rached Ghannouchi avec une poignée d'intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens. D'abord appelé Mouvement de la tendance islamique, il change de nom en 1989. Réprimé par le père de l'indépendance, Habib Bourguiba, ce mouvement est d'abord toléré par son successeur Zine El Abidine Ben Ali puis impitoyablement combattu après les législatives de 1989 où les listes qu'il soutient réalisent une percée. Environ 30.000 militants et sympathisants islamistes sont victimes de cette répression. Des centaines d'entre eux sont lourdement condamnés dans des procès iniques et d'autres contraints à l'exil. Après la chute de Ben Ali et sa fuite en janvier 2011, M. Ghannouchi rentre en héros en Tunisie, après 20 ans d'exil à Londres. Ennahda est autorisé dans la foulée, 30 ans après sa fondation, et s'engage à garantir la liberté de croyance et de pensée et à préserver les acquis de la femme tunisienne qui jouit du statut le plus moderne du monde arabe. Il s'impose comme une force majeure en remportant les élections du 23 octobre 2011 avec 41% des voix, prenant 89 des 217 sièges de l'Assemblée nationale constituante (ANC) qui rédige la nouvelle Constitution. Après cette victoire, Ennahda s'accapare les ministères régaliens et forme une coalition avec deux partis laïques dont celui du président Moncef Marzouki. Le mouvement a renoncé fin mars à l'inscription de la charia dans la nouvelle Constitution sous la pression de ses alliés et de l'opposition. Confronté aux conflits sociaux, à l'impasse de la rédaction de la loi fondamentale, à l'essor des salafistes jihadistes et aux disputes politiques, le gouvernement dirigé par Ennahda n'est pas parvenu à véritablement stabiliser la Tunisie. Dès lors, le Premier ministre et n°2 du parti Hamadi Jebali s'est mis à dos la direction de son parti en tentant de former un cabinet de technocrates. Après dix jours de consultations, l'annonce de ce cabinet a une nouvelle fois été reportée vendredi.