L'assassinat en 1952 du père du syndicalisme tunisien Farhat Hached lors du Protectorat français (1881-1956) reste un mystère pour les Tunisiens qui veulent connaître les commanditaires de ce crime imputé à une organisation paramilitaire française. Le président français François Hollande a promis vendredi à Tunis de rendre publiques les archives sur le sujet et s'est engagé "à rechercher toute la vérité sur son assassinat", alors que la France fait figure de principal suspect. Farhat Hached, fondateur de la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) et compagnon de route de Habib Bourguiba, est un symbole de militantisme nationaliste en Tunisie. Il organisait secrètement les groupes d'activistes dans les locaux de l'UGTT pour mener des opérations contre des responsables français mais aussi des grèves et mobilisations populaires contre la colonisation. Le 5 décembre 1952 à Radès, dans la banlieue sud de Tunis, des tireurs postés dans deux voitures se sont succédé pour tuer Hached, âgé de 38 ans. Cette embuscade est attribuée à la "Main Rouge", une organisation armée composée de colons français, si bien que nombre de Tunisiens soupçonnent Paris d'avoir sanctionné l'attaque. Une enquête ouverte en son temps par le Résident général de Hauteclocque avait abouti à un non-lieu et les responsabilités restent mystérieuses. Mais le 18 décembre 2009, Antoine Méléro, se présentant comme un ancien membre de la Main Rouge, a déclaré à la chaîne d'information arabe Al Jazeera que l'organisation était une entité armée répondant au Sdece, l'ancien service de renseignement extérieur français. Interrogé sur l'assassinat de Farhat Hached, il a justifié l'assassinat sans dire clairement que l'ordre venait de Paris. "Moi je le trouve légitime, moi si c'était à refaire je le referais", a-t-il dit. A la suite de cette déclaration, des organisations internationales de défense des droits de l'Homme ainsi que la famille Hached ont déposé en mars 2010 devant la justice française une plainte pour "apologie de crimes de guerre", qui est restée lettre morte. Après la révolution en Tunisie en janvier 2011, l'UGTT a remis le sujet sur le tapis des relations franco-tunisiennes. Son secrétaire général, Houcine Abassi, a demandé début 2013 au ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius de "définitivement dévoiler (la vérité) sur ce dossier". Le président Hollande doit remettre vendredi à la famille Hached une copie des archives françaises, dont il n'a pas révélé le contenu, et se recueillir sur la tombe du responsable syndical.