Le gouvernement tunisien est confronté à une instabilité politique et sécuritaire croissante après la mort d'un activiste islamiste tué dimanche par la police à Tunis et celle de deux soldats victimes d'une mine près de la frontière algérienne. Le gouvernement islamiste modéré, soutenu par le parti Ennahda, doit faire face à des manifestations de la part de l'opposition laïque depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi abattu devant chez lui par des inconnus circulant à moto il y a une dizaine de jours. Cet assassinat s'ajoute à celui d'une autre figure de l'opposition tunisienne laïque, Chokri Belaïd, tué il y a près de six mois. Face à la contestation des opposants, les partisans d'Ennahda se sont mobilisés en nombre samedi, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de Tunis. A cette instabilité politique s'ajoute une situation sécuritaire menaçante : deux soldats ont été tués et six autres ont été blessés dans l'explosion d'une mine au passage de leur char lors d'une patrouille dans la région montagneuse du djebel Chaâmbi, près de la frontière avec l'Algérie. C'est dans cette région que huit soldats tunisiens avaient été tués la semaine passée, dans l'une des attaques les plus meurtrières contre des militaires depuis des décennies. A Tunis, la police a procédé à des perquisitions dans plusieurs maisons d'activistes présumés qui cachaient des armes, a indiqué un responsable du ministère de l'Intérieur. Un terroriste tué et cinq autres arrêtés Selon des témoins, les policiers ont procédé à l'interpellation de plusieurs militants salafistes. Ces arrestations ont été suivies par des manifestations de plusieurs dizaines de salafistes pour exiger une libération. Les forces de l'ordre ont tiré des coups de feu en l'air pour disperser les protestataires. L'opposition a, de son côté, réuni plus de 20 000 manifestants dimanche soir sur la place du Bardo, dans le centre de la capitale et prévoit un rassemblement, demain, pour commémorer l'assassinat de Chokri Belaïd, figure de la gauche laïque. Le parti Ennahda a revendiqué dans la nuit quelque 200 000 manifestants rassemblés place de la Kasbah. Les partisans du parti islamiste modéré Ennahda au pouvoir ont défilé dans Tunis pour soutenir le gouvernement. Il s'agit d'une des plus importantes manifestations depuis la révolution de 2011, alors que l'opposition laïque réclame la démission du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée nationale constituante pour trouver une issue à la crise dans laquelle est replongé le pays en raison du deuxième assassinat en six mois d'un opposant laïc de premier plan fin juillet. Le gouvernement campe sur ses positions «Ceux qui ont cru que le scénario égyptien pouvait être répété ici ont tout faux. La Tunisie a été une inspiration avec sa révolution, et elle ne va pas importer un coup d'Etat ?», a déclaré devant la foule, pendant le rassemblement de samedi, Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda, en référence au renversement du président égyptien Mohamed Morsi par l'armée le 3 juillet. Quelques heures plus tôt, le Premier ministre Ali Larayedh avait une nouvelle fois rejeté, lors d'une conférence de presse, les appels à sa démission et à la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC), revendications clés d'une large part de l'opposition depuis l'assassinat, prêté à la mouvance jihadiste, du député et opposant Mohamed Brahmi le 25 juillet. Il a proposé, pour résoudre la crise, d'élargir son gouvernement et des élections le 17 décembre. L'adoption d'une nouvelle constitution est paralysée depuis des mois faute de consensus si bien que la Tunisie ne dispose pas d'institutions pérennes deux ans et demi après la révolution de janvier 2011.