Bras de fer - Des milliers de partisans du gouvernement dirigé par les islamistes et d'opposants se sont rassemblés, dans la nuit de mardi à mercredi, à Tunis pour des manifestations rivales au moment où le pays est traversé par une profonde crise politique. Les manifestants favorables au parti islamiste Ennahda étaient réunis en grand nombre dans la banlieue tunisoise du Bardo face à l'Assemblée nationale constituante (ANC). A côté, une manifestation rivale organisée par l'opposition avait lieu, pour réclamer la dissolution de l'assemblée et le départ du gouvernement. Le second groupe a été rejoint vers 23h 00 (22h 00 GMT) par une foule de détracteurs du régime qui s'étaient d'abord rendus place de la Kasbah à Tunis, où se trouve le siège du gouvernement, pour allumer des bougies à la mémoire des huit soldats tués dans une embuscade, lundi, et attribuée à un groupe «terroriste». Chaque nuit, depuis l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi jeudi, perpétré par la mouvance jihadiste, l'opposition et les pro-pouvoir organisent des manifestations rivales après la rupture du jeûne du ramadan et certaines ont dégénéré en heurts. Malgré la multiplication des appels, le Premier ministre a une nouvelle fois exclu, hier, mardi, la démission de son gouvernement. L'islamiste Ali Larayedh a souligné, comme il l'avait fait lundi avant l'annonce de la mort de huit militaires, qu'il était opposé «à ce que le gouvernement cesse de travailler», dans un entretien accordé à la chaîne d'Etat Wattaniya-1. Cette déclaration répond au puissant syndicat UGTT, à l'organisation patronale Utica, au parti laïque de centre-gauche Ettakatol allié aux islamistes au pouvoir, au ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou et à la Ligue tunisienne des droits de l'Homme qui ont tous appelé durant cette même journée, d'hier, à un nouveau gouvernement sans pour autant fixer d'ultimatum. M. Larayedh, tout comme son parti Ennahda et 17 autres petites formations politiques, s'est cependant dit favorable à l'élargissement de la coalition actuelle formée par les islamistes, deux formations laïques et des indépendants. «Un dialogue peut concerner la forme du gouvernement et aller vers son élargissement. Quand j'ai formé le gouvernement (en mars dernier, ndlr) j'avais proposé un gouvernement d'union nationale», a-t-il dit en référence à des négociations en ce sens qui avaient échoué, l'opposition jugeant qu'Ennahda voulait accaparer trop de prérogatives. Tout comme Ennahda, l'UGTT, l'Utica et Ettakatol, M. Larayedh a exclu une dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC) réclamée par une soixantaine de députés et plusieurs partis d'opposition. Mais les différents partis et organisations ne semblent par ailleurs pas en accord sur la nature du prochain cabinet : gouvernement de «compétences» ou d'union nationale regroupant les formations politiques. Le ministre de l'Intérieur a, quant à lui, dit avoir «envisagé de démissionner», tout en appelant les partis à «dépasser leurs égoïsmes pour relever les défis et combattre le terrorisme» et à former rapidement un nouveau cabinet. Une Constitution en août et des élections pour décembre Le Premier ministre a de nouveau promis l'adoption de la Constitution courant août et des élections le 17 décembre pour sortir de la profonde crise qui touche le pays. La date des prochaines élections fixée au 17 décembre par M. Larayedh est hautement symbolique car il s'agit du jour en 2010 où le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi s'est immolé par le feu, donnant le coup d'envoi à la révolution tunisienne. Depuis l'élection de l'ANC, les autorités ont annoncé de multiples calendriers électoraux qui n'ont pas été respectés, la Constitution n'ayant pas été adoptée faute de consensus. Les journaux tunisiens se montraient, mardi, très inquiets et plusieurs titres appelaient à l'union nationale, comme l'a fait la veille le président Marzouki dans une adresse à la Nation.