ALGER - L'avocate Fatma Benbraham a déclaré, samedi à Alger, qu'il "est temps de réfléchir à la mise en place de cours spéciales pour ester en justice l'Etat français pour ses crimes dont a été victime le peuple algérien suite à ses essais nucléaires dans le Sahara" algérien. Intervenant lors d'une rencontre organisée par l'association "Mechâal Echahid" au siège du quotidien El-Moudjahid sur "les expériences nucléaires françaises et leur répercussions sur l'homme et l'environnement" à l'occasion de la commémoration du 50e anniversaire du premier essai nucléaire français au Sahara algérien", Mme Benbraham a souligné qu'"il est temps de sanctionner la France pour ses crimes et atrocités commis contre le peuple algérien suite à ses essais nucléaires au Sahara" soulignant que "les preuves sont suffisantes pour ce faire". S'appuyant sur un rapport militaire français secret dont elle a reçu une copie, l'intervenante a relevé la présence au moment des expériences de quelque 40.000 habitants, entre sédentaire et nomades, éparpillés par communautés d'au moins 500 personnes, séparées par une dizaine de kilomètres l'une de l'autre. Ce rapport, a-elle souligné, vient "contredire les déclarations officielles des différents responsables français selon lesquelles les régions où les essais nucléaires français avaient eu lieu ne connaissaient aucune espèce de vie" ajoutant que le document "démontre que le représentant français auprès des Nations unies avait menti à l'opinion publique internationales en 1957 lorsqu'il avait déclaré que la France allait effectuer tous ses essais nucléaires dans des zones sans vie". "L'article 5 de la convention de Rome de juillet 1998 qui restreint les grands crimes de guerre aux massacres, crimes contre l'humanité et aux agressions, autorise les hommes de loi à poursuivre en justice la France pour les crimes qu'elle a commis y compris les essais nucléaires", a indiqué Mme Benbraham. Revenant sur la loi française portant indemnisation des victimes des essais nucléaires dans le Sahara algérien et en Polynésie, l'intervenante a fait savoir que ce texte "ne concerne en aucun cas les algériens car la France rejette l'idée même d'avoir effectué ces essais dans des zones peuplées en Algérie et qu'elle accorde des indemnisations aux seuls militaires et civils se trouvant sur ses bases au Sahara ou en Polynésie". Le crime français, a affirmé Mme Benbraham, est "un crime continu" car les radiations nucléaires font encore des victimes parmi les personnes ayant été exposées au plutonium, élément chimique "très toxique et polluant" dont les effets peuvent durer jusqu'à 24.400 ans". De son coté, Amar Mansouri, chercheur dans le nucléaire, a indiqué que "les dégâts occasionnés par les essais nucléaires français dans les régions du sud algérien vont continuer à se manifester au fil du temps au moment où les autorités françaises maintiennent les archives inaccessibles". Il a également précisé que "les radiations ionisantes ont franchi les frontières algériennes vers les pays voisins", soulignant que leurs effets nocifs "pourraient au fil du temps constituer un danger sur la santé humaine et l'environnement". Dans le même contexte, le conférencier a indiqué que jusqu'à ce jour, certaines régions n'ont pas été débarrassées des déchets nucléaires de ces essais, relevant le danger qu'ils représentent pour la santé humaine et l'environnement. La France a mené, a-t-il précisé, 57 essais nucléaires dans le Sahara de 1960 à 1966, citant des informations recueillis par des associations françaises activant dans le domaine. "Bien que réalisant les graves conséquences de ces crimes nucléaires sur toutes formes de vie dans la région, la France a mené, du 13 février 1960 au 25 avril 1961, les opérations gerboises bleue, verte, rouge et blanche dont l'intensité explosive (600 kilotonnes) a dépassé de 40 fois celle de la bombe d'Hiroshima (Japon), a-t-il poursuivi. La France a mené ces opérations "en dépit d'une opposition internationale à ce genre d'essais à la surface" vu le danger de la vitesse de propagation du nuage de fumée à travers le monde, a-t-il indiqué ajoutant que c'est ce qui s'est réellement passé, le nuage de fumée a atteint plusieurs pays tels la Libye, l'Espagne et le Portugal. La France a continué jusqu'à 1966 ses essais nucléaires dont les effets radioactifs demeurent "témoin des crimes contre l'humanité commis dans la région", a ajouté M. Mansouri. Pour sa part, Assia Moussaoui, cancérologue au centre Pierre et Marie Curie d'Alger, a affirmé que l'exposition aux radiations ionisantes provoque 18 types de cancer (cancers du sein, de la tyroïde, du poumon, du foie, du colon, des os etc....) et des malformations aussi bien pour les adultes, les enfants et même les fœtus. Ont été présentés à cette occasion des témoignages vivants de personnes irradiées directement ou indirectement tels Chenafi Mohamed (Alger) qui a été arrêté en 1960 par les autorités coloniales françaises. Ayant été obligé de travailler pendant trois mois dans la base de Reggane dans le cadre de la préparation des essais nucléaires et ayant servi de cobaye des autorités françaises, M. Chenafi souffre de plusieurs maladies chroniques. Boudjelal Amar (Bordj Bou Arreridj) souffre, lui aussi, de quatre types de cancer de la tyroïde, de maladies cardiaques et ophtalmiques outre une paraplégie, ayant passé son service national (1987-1989) dans la région d'Ain M'guel où il a participé à la réalisation de la route de l'unité africaine