Un véritable "business" s'est mis en place autour des prises d'otages dans les pays du Sahel, qui rapporte gros à ceux qui y participent: intermédiaires d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pour l'enlèvement d'otages, médiateurs pour obtenir leur libération. Le Malien Omar Ag Aly, un des médiateurs en 2008 ayant obtenu la libération de deux touristes autrichiens enlevés en Tunisie avant d'être transférés au Mali, se souvient que les commanditaires d'Aqmi ont, dans un premier temps, versé 7.500 euros aux intermédiaires ayant participé au rapt. "Les intermédiaires sont des volontaires ou des gens contactés par Aqmi pour enlever les otages. Le tarif varie selon les circonstances", affirme-t-il. L'intermédiaire est payé en fonction de deux éléments, selon des sources proches des dossiers d'enlèvement: le nombre d'otages qu'il enlève ou aide à enlever, et la distance qu'il parcourt avec le ou les otages, du lieu de l'enlèvement à l'endroit où il les remet à Aqmi. "Lors de l'enlèvement, le 14 décembre 2008, de deux diplomates canadiens dans la région de Niamey, rien que les intermédiaires se sont partagés plus de dix millions de FCFA (15.000 euros), car la distance était longue, les otages étant venus au nord du Mali", explique une source sécuritaire malienne. Une fois les otages aux mains d'Aqmi, ils sont placés en lieu sûr. Après la revendication de l'enlèvement, la publication de preuves de vie, viennent les revendications politiques et matérielles. Les premières sont généralement mises en ligne sur un site islamiste ou diffusées par un média choisi par Aqmi, souvent la chaîne de télévision satellitaire arabe Al-Jazira. Les revendications matérielles passent par un canal privé, pas nécessairement par le médiateur. "Du début à la fin, l'argent circule. Mais bien malin qui pourra vous donner la clé de répartition exacte", confie un Malien qui a joué les médiateurs dans la libération d'otages. Selon Rezag Bara, conseiller du président algérien qui s'exprimait en septembre à l'ONU à New York, Aqmi a récolté plus de 150 millions d'euros ces dernières années grâce aux enlèvements d'otages. La rançon est soit versée en liquide par le gouvernement du pays d'origine de l'otage, soit par le pays du Sahel qui assure une médiation: il se fait rembourser sous forme d'aide bilatérale, assortie d'une prime conséquente. Une fois la rançon versée, certains médiateurs ont droit à leur part. En 2004, "Ibrahim" faisait partie d'un groupe de médiateurs maliens ayant obtenu la libération d'une dizaine d'Européens retenus prisonniers au Mali: "Pour être franc, même les salafistes (membres d'Aqmi) ont donné de l'argent à certains d'entre nous quand ils ont eu la rançon", affirme-t-il. Il se souvient avoir croisé, juste après la libération des otages, "un autre groupe de médiateurs, qui voulait monnayer ses services. Il y a beaucoup d'escrocs qui cherchent à se faire de l'argent". L'un d'eux, surnommé "Monsieur commission", très connu dans le nord du Mali, est soupçonné d'être à la fois au centre d'enlèvements et de libérations d'otages: il est aujourd'hui l'un des plus importants propriétaires de bétail du Sahel. Un autre Malien, "Omar le Sahraoui", qui avait été condamné en Mauritanie à douze ans de prison pour l'enlèvement d'Espagnols, a participé fin août à leur libération juste après avoir été extradé au Mali. Dans le cas des sept otages (cinq Français, un Togolais et un Malgache) enlevés mi-septembre au Niger et transférés au Mali, après les preuves de vie, les revendications tardent à venir. "C'est normal. Les auteurs du rapt attendent de recevoir des ordres de leur hiérarchie basée en Algérie", affirme un responsable de la région de Kidal (nord-est du Mali) très au fait du dossier.