Un sondage choc plaçant pour la première fois l'extrême droite en tête, à un an de l'élection présidentielle française de 2012, a déchaîné dimanche les critiques contre le président Nicolas Sarkozy, accusé de favoriser cette émergence par un discours anti-musulmans. Le sondage de l'institut Harris Interactive a été publié dimanche par le quotidien Le Parisien. Selon cette enquête, la présidente du Front national (FN) Marine Le Pen arriverait en tête d'un premier tour d'élection présidentielle avec 23% des intentions de votes, contre 21% à Nicolas Sarkozy et à Martine Aubry, la patronne du Parti socialiste (PS). Le sondage est à prendre avec précautions. II a été réalisé en ligne et ne teste pas l'hypothèse d'une candidature, pour le PS, du directeur du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn, grand favori même s'il n'a pas encore dévoilé ses intentions. Mais ce coup de tonnerre dans la politique française confirme la percée de Marine Le Pen et son ambition de rééditer l'exploit de son père Jean-Marie Le Pen qui, en 2002, s'était hissé au deuxième tour de la présidentielle, après avoir éliminé le candidat socialiste Lionel Jospin. Marine Le Pen, 42 ans, lui a succédé le 16 janvier à la tête du parti. Elle a immédiatement développé un discours sur la place de l'islam dans la société, prenant soin d'éviter les dérapages verbaux dont son père s'était rendu coutumier. Marine Le Pen a sobrement accueilli ce sondage comme "un encouragement". Mais la gauche a violemment critiqué la stratégie de Nicolas Sarkozy, accusé de faire sciemment le lit de l'extrême droite. "C'est sans doute un calcul de Nicolas Sarkozy de faire monter le Front national pour se retrouver en tête-à-tête avec lui (dans un second tour) et disqualifier la gauche", a accusé le chef des députés socialistes Jean-Marc Ayrault. "Ce qui est clair, c'est que Nicolas Sarkozy joue à une espèce de quitte-ou-double depuis des semaines", a déclaré Martine Aubry. Ses opposants dénoncent aussi le discours développé ces dernière semaines par le président français. Alors que son parti, l'UMP, lance un débat sur la laïcité et l'islam, Nicolas Sarkozy multiplie les références aux racines chrétiennes de la France. Jeudi, il avait exalté cet héritage religieux et appelé les Français à "l'assumer sans complexe ni fausse pudeur". Le 10 février, il avait affirmé que multiculturalisme était "un échec" et avait plaidé pour une pratique non ostentatoire de l'islam. En France, comme dans d'autres pays voisins, le discours de l'extrême droite contre l'immigration vise de plus en plus précisément les musulmans et la place de l'islam dans les sociétés européennes. La France compte 5 à 6 millions de musulmans, essentiellement originaires du Maghreb et d'Afrique. En prenant la présidence de son parti, Marine Le Pen avait annoncé qu'elle lançait immédiatement sa campagne. Les autres grands partis n'ont pas encore désigné leur candidat. Les socialistes trancheront mi-octobre lors d'une primaire ouverte aux sympathisants de gauche. Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry sont les deux principaux prétendants, mais aucun des deux n'est encore officiellement en lice. A droite, Nicolas Sarkozy semble pour l'instant assuré d'être candidat, en dépit de sondages de popularité calamiteux. Il est tombé à 22% d'opinions favorables. "Non seulement il est le seul, mais il est le meilleur candidat possible. C'est lui qui rassemble le plus largement possible la majorité", a déclaré le Premier ministre François Fillon.