DAMAS- Le gouvernement syrien a annoncé mardi une série de mesures censées desserrer son emprise sécuritaire sur le pays tout en avertissant qu'il ne tolèrerait aucune nouvelle manifestation contre le régime. Dans une apparente tentative d'apaiser le mouvement de contestation qui s'amplifie à travers le pays, le cabinet a approuvé mardi des projets de loi pour la levée de l'état d'urgence, l'abolition de la Haute cour de sûreté de l'Etat, une juridiction d'exception, et la réglementation du droit de manifester. Ces annonces surviennent quelques heures après que les forces de sécurité eurent réprimé une nouvelle manifestation anti-régime à Homs, au nord de Damas. Le 16 avril, le président Bachar al-Assad avait promis d'abroger "dans une semaine maximum" la loi d'urgence, en vigueur depuis 1963 et qui permet, entre autres, l'arrestation de "suspects ou de personnes menaçant la sécurité". Cette abrogation est l'une des principales revendications du mouvement de contestation sans précédent déclenché le 15 mars dans la foulée des révoltes arabes. Celui-ci s'est radicalisé au fil des semaines, en s'étendant à de nombreuses villes et en passant d'appels aux réformes à des appels à la chute du régime, qui dirige la Syrie d'une main de fer. Quelques heures avant l'annonce de ces mesures, les autorités avaient toutefois prévenu qu'elles n'accepteraient aucune nouvelle manifestation, "sous n'importe quel slogan". "Les lois (...) seront appliquées dans l'intérêt de la sécurité des citoyens et de la stabilité du pays", a averti le ministère de l'Intérieur, en allusion à la loi sur l'état d'urgence. Dans la rue, la répression se poursuivait, notamment à Homs, troisième ville du pays, où au moins quatre personnes ont été tuées par balles mardi avant l'aube lorsque les forces de sécurité ont dispersé un sit-in de plusieurs milliers de personnes, selon un militant des droits de l'Homme. Le sit-in appelait au départ de M. Assad, avant d'être dispersé "par la force", a indiqué une autre militante à Damas sous couvert de l'anonymat, évoquant "des tirs nourris". "Sit-in jusqu'à la chute du régime", "liberté", scandaient les manifestants, selon des vidéos diffusées sur YouTube. Sur une pancarte brandie par les manifestants, on pouvait lire "alaouite, sunnite, chrétien, Kurde = unis", les militants refusant que leur mouvement prenne un caractère sectaire. Le pouvoir politique en Syrie est détenu par la minorité alaouite --une branche de l'islam chiite-- et le parti Baas depuis 1963. Les sunnites forment la majorité de la population. Selon un militant, Najati Tayyara, la place Al-Saa (Horloge) à Homs où s'est tenu le sit-in a été rebaptisée "place Tahrir d'après celle du Caire" et les manifestants avaient érigé des tentes sur la place et apporté de la nourriture. La place Tahrir au Caire a été l'épicentre du mouvement de contestation en Egypte qui a conduit au départ du président Hosni Moubarak le 11 février. Les autorités ont par ailleurs affirmé que cinq officiers de l'armée et trois enfants avaient été tués ces dernières 24 heures par des "groupes criminels armés" dans la région de Homs. C'est dans cette zone où 11 manifestants anti-régime avaient péri dimanche, selon des militants pro-démocratie. Peu après le début du sit-in à Homs, le ministère de l'Intérieur a promis de mater une "rébellion armée de groupes salafistes" (sunnites radicaux). Depuis le début du mouvement, le régime accuse des bandes "armés" ou "criminelles" de tirer sur les manifestants et les forces de l'ordre. Mardi, la presse officielle accusait en outre Washington d'être "derrière" les manifestations. "A tous ceux qui parient (sur la chute du régime), nous leur disons: +ne pariez pas car vous serez perdants+", indique le quotidien gouvernemental As-Saoura. Au moins 200 personnes ont été tuées dans le pays depuis le début du mouvement, selon Amnesty International. Des centaines d'autres ont été arrêtées selon des ONG. L'ampleur de ce mouvement est sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir du parti Baas, toute velléité d'opposition ayant été sévèrement réprimée sous Hafez al-Assad.