HAMBOURG (Allemagne) - La propagation d'une bactérie qui a déjà fait 19 morts en Europe et provoqué des tensions commerciales dans et hors de l'UE semblait stabilisée vendredi, ont annoncé des médecins allemands, mais son origine et son mode de diffusion restaient mystérieux. "La situation, c'est que le nombre des nouvelles contaminations semble se stabiliser", a déclaré le professeur Reinhard Brunkhorst, président de la Société allemande de néphrologie et responsable hospitalo-universitaire de la région de Hanovre (nord) où ont été enregistrés plusieurs décès. Une femme de 80 ans est décédée dans le nord de l'Allemagne, portant à 18 le bilan des morts dans ce pays. Une 19e victime avait succombé en Suède. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève a réaffirmé vendredi que la souche était déjà connue. Que la souche soit décelée à l'occasion d'une épidémie constitue en revanche "une première", a précisé une porte-parole de l'OMS, Fadela Chaïb. Le professeur Brunkhorst a parlé de "l'épidémie la plus importante des dernières décennies causée par une bactérie", au cours d'une conférence de presse à Hambourg (nord) où sont traitées la majorité des contaminations en Allemagne. Une société chinoise privée de génomique travaillant avec le CHU d'Eppendorf à Hambourg, ainsi qu'un laboratoire californien, assuraient jeudi que la bactérie était une "chimère", un hybride renfermant des gènes de deux bactéries E.coli différentes, jamais vue jusqu'à présent et résistante à toute une batterie d'antibiotiques, "ce qui rend le traitement antibiotique extrêmement difficile". "Nous pensons avoir bientôt assez d'informations pour pouvoir identifier les causes de l'agressivité" de la bactérie, a déclaré vendredi à la radio allemande Dag Harmsen, chercheur à l'université de Münster (ouest), qui travaille avec le laboratoire californien. Selon l'OMS, 12 pays ont déjà signalé des cas de contamination par cette bactérie qui provoque des hémorragies du système digestif et, dans les cas les plus graves, des troubles rénaux (syndrome hémolytique et urémique, SHU). Tous ces cas sont liés à l'Allemagne, où ont été enregistrés la plupart des décès. La consommation de légumes était toujours en berne en Europe, même si depuis que les concombres espagnols ont été innocentés mardi, le vecteur de transmission est inconnu. La Commission européenne a levé la mise en garde qui pesait sur les légumes espagnols, mais les dommages sont d'ores et déjà considérables. Le chef du gouvernement espagnol Jose Luis Zapatero s'est entretenu jeudi avec la chancelière allemande Angela Merkel, qui a promis que "l'Allemagne allait étudier des formules dans le cadre européen afin d'indemniser les agriculteurs affectés", selon un communiqué de Madrid. Vendredi, des patrons d'entreprises horticoles espagnoles se sont rendus à Hambourg pour crier leur colère. L'embargo décrété jeudi par la Russie sur les légumes en provenance de tous les pays de l'Union européenne n'a rien arrangé. La Commission européenne juge "disproportionnée" cette réaction, appelant la Russie, qui importe pour environ 600 millions d'euros de légumes européens par an, à revenir sur sa décision. Le représentant de l'Union européenne en Russie, Fernando Valenzuela, a estimé vendredi que cette interdiction russe allait à l'encontre des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle Moscou veut adhérer cette année. La Russie va vérifier le bien-fondé de son embargo, mais ne va pas "empoisonner" ses citoyens au nom des règles de l'OMC, a rétorqué le Premier ministre Vladimir Poutine. Le Liban a à son tour décrété un embargo, une décision là aussi qualifiée de "disproportionnée" par la Commission européenne Les ministres européens de l'Agriculture seront très probablement convoqués le 17 juin à Luxembourg pour une réunion extraordinaire, selon des sources diplomatiques à Bruxelles. L'Institut Robert Koch (RKI), chargé de la veille sanitaire en Allemagne, continuait de recommander aux consommateurs d'éviter les légumes crus, quelle que soit leur origine. Et le directeur de l'Institut fédéral allemand pour l'évaluation des risques (BfR), Andreas Hensel, a renchéri vendredi, considérant que "la provenance des produits importe peu".