LE CAIRE - Les Frères musulmans égyptiens s'engagent dans une stratégie d'alliance avec d'autres partis, y compris libéraux et de gauche, dans le but de présenter une image d'ouverture et chercher à contrer ceux qui redoutent de les voir dominer les prochaines législatives. Le Parti de la liberté et de la justice (issu des Frères musulmans) et 17 autres partis ont ainsi présenté mardi un manifeste commun pour l'établissement d'un "Etat démocratique" basé sur les principes "de citoyenneté, d'égalité et de souveraineté populaire". Ils s'engagent aussi envers "la liberté de croyance et de culte", la liberté de la presse, l'indépendance de la justice et la justice sociale. Les membres de cette "Alliance démocratique pour l'Egypte" s'engagent à poursuivre des discussions en vue de listes communes aux législatives prévues en principe en septembre, les premières depuis le renversement du président Hosni Moubarak en février. Outre le parti issu des Frères musulmans on y trouve des formations de l'opposition laïque à l'ex-régime Moubarak comme le Wafd (libéral) ou le Tagammou (gauche), et de nombreux groupes sans obédience religieuse, parfois en attente de légalisation. Egalement dans cette alliance hétéroclite, Al-Nour, une formation islamiste salafiste tout juste reconnue. Pour Mustafa Kamel al-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, l'influente confrérie, force politique réputée la mieux organisée d'Egypte, cherche à rassurer ceux qui redoutent son hégémonie. "La stratégie des Frères est de se présenter comme un parti modéré, pas comme un parti dominant", estime-t-il, en rappelant qu'ils ont aussi promis de ne présenter de candidats que pour la moitié des sièges du Parlement, et de ne pas se présenter à la présidentielle prévue en principe à la fin de l'année. "L'objectif des Frères musulmans est de rassurer la partie de l'opinion qui leur est la plus hostile, ainsi que les chrétiens", ajoute-t-il. Ces derniers, représentent 6 à 10% de la population. La crainte de voir les Frères musulmans rafler la mise lors des prochaines élections alimente la multiplication récente des appels à reporter les législatives, afin de donner aux nouveaux partis le temps de mieux s'organiser. Le Premier ministre Essam Charaf lui-même a laissé entendre qu'il serait favorable à un tel report. Des personnalités et groupes de plus en plus nombreux s'élèvent également pour réclamer la rédaction d'une nouvelle constitution, afin de garantir les fondements d'un Etat démocratique, avant le scrutin. Et éviter ainsi que la future loi fondamentale ne soit rédigée sous la supervision du Parlement qui pourrait être dominé par les islamistes. La prestigieuse institution d'Al-Azhar du Caire, référence de l'islam sunnite, a elle aussi jeté une pierre dans le jardin des Frères musulmans, en se prononçant pour un Etat "démocratique moderne" et non religieux. La stratégie de la confrérie ne fait également pas l'unanimité au sein même du groupe. Une partie des jeunes du mouvement viennent de s'en retirer pour fonder leur propre parti. Un responsable des Frères, Aboul Foutouh, a quant à lui été exclu en raison de sa volonté de se présenter à la présidentielle. Mais pour certains commentateurs politiques, cette stratégie d'alliances pourrait bien faire long feu tant la situation politique est incertaine, le calendrier électoral incomplet et précaire, et que l'armée, qui dirige le pays, reste muette sur d'éventuels arbitrages. "Pourquoi faire des alliances de ce genre, quand on ne sait même pas quel sera le système électoral?" s'interroge l'analyste politique Issandr al-Amrani dans le journal indépendant al-