TRIPOLI - Les Etats-Unis et l'Espagne ont fait fi samedi des menaces d'attaque proférées contre l'Europe par Mouammar Kadhafi, promettant au contraire que l'Otan maintiendra la "pression" si le dirigeant libyen ne quitte pas le pouvoir. Le peuple libyen est "capable de porter un jour la bataille à la Méditerranée et à l'Europe", a assuré le colonel Kadhafi dans une allocution diffusée vendredi soir par haut-parleurs sur la Place Verte de Tripoli. "Il pourrait s'en prendre à vos foyers, vos bureaux et vos familles, qui deviendraient des cibles militaires légitimes puisque vous avez transformé nos bureaux, nos quartiers-généraux, nos maisons et nos enfants en cibles militaires que vous considérez comme légitimes", a-t-il ajouté à l'adresse des dirigeants européens, s'exprimant depuis un lieu tenu secret. "Nous vous conseillons donc de faire marche-arrière avant de subir une catastrophe", a exhorté le dirigeant libyen sous les applaudissements nourris de ses partisans et les rafales tirées en l'air. Plus de 100 jours après le début des bombardements sur mandat de l'ONU, la rébellion n'est plus qu'à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale, luttant pour s'emparer d'un carrefour stratégique qui a été visé vendredi par l'aviation de l'Otan. En plus de cet appui aérien, les rebelles des montagnes berbères de cette région ont récemment reçu des armes parachutées par la France. "Marchez sur le Djebel (Nefoussa) et saisissez les armes qui ont été larguées par les Français. Si ensuite vous voulez pardonner (aux rebelles), c'est votre affaire", a lancé Mouammar Kadhafi à ses concitoyens. L'Europe va maintenir la pression A Madrid, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a invité le colonel Kadhafi à "faire passer en premier le bien-être et l'intérêt de son peuple, quitter le pouvoir et faciliter une transition démocratique (...), plutôt que de proférer des menaces". A ses côtés, son homologue espagnole Trinidad Jimenez a asséné que "la réponse de l'Europe est de continuer à travailler avec la même résolution" et de maintenir "la même pression politique et militaire" jusqu'au règlement de la crise. Ainsi, l'Otan a annoncé samedi avoir intensifié ses bombardements dans l'ouest du pays, détruisant une cinquantaine d'objectifs militaires pendant la semaine. Les opérations ont visé des objectifs allant des montagnes du Djebel Nefoussa, près de la frontière tunisienne, à la ville de Misrata, à plus de 200 km à l'est de Tripoli, selon un communiqué de l'Alliance atlantique. Les frappes aériennes avaient pour but de répondre au déploiement de "forces loyales à Kadhafi dans des zones urbaines d'importance et sur des lignes de communication". Ces quatre derniers jours, l'Otan a détruit à Gharyan, à 80 km au sud de Tripoli, huit "objectifs", dont des chars et d'autres véhicules militaires. L'Alliance a également visé vendredi deux véhicules à Bir Al-Ghanam, un carrefour stratégique à quelque 50 km au sud de la capitale sur lequel les rebelles ont lancé une offensive cette semaine. L'accès des civils aux services d'aide d'urgence est toujours "très préoccupant" dans cette région, selon la mission humanitaire de l'ONU qui s'y est rendue pour la première fois. La télévision d'Etat libyenne a par ailleurs annoncé que des raids des "croisés" avaient détruit samedi des "infrastructures et fait des victimes" à al-Jafra, dans le désert, à 600 km au sud de Tripoli. Une manifestation a d'ailleurs été organisée samedi à proximité immédiate des bureaux tripolitains des Nations unies. Devant la presse internationale conviée par le régime, quelque 300 enfants ont dénoncé "l'incapacité" de l'organisation à "arrêter la machine de guerre contre les civils", une allusion aux opérations de l'Otan. "A bas Sarkozy, Obama est un lâche et un tueur d'enfants !", "où est la loi internationale?", "Kadhafi est notre père et nous le défendrons par notre vie" ont-ils crié, brandissant des portraits du "Guide" libyen, des drapeaux verts et des photos d'enfants massacrés selon eux dans les raids des "croisés". Sur le plan diplomatique, l'impasse demeure : un des rares médiateurs acceptés par le colonel Kadhafi, l'Union africaine (UA) a difficilement adopté vendredi un accord-cadre prévoyant notamment d'écarter le colonel des négociations. Les membres de l'UA, réunis en Guinée équatoriale, ont par ailleurs décidé de ne pas coopérer à l'exécution du mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale contre le colonel Kadhafi, jugeant qu'il compliquait le règlement de la situation. Cette décision, qui pourrait faciliter l'exil du colonel dans un Etat africain, a été froidement reçue par Hillary Clinton, celle-ci soulignant que "la mise en cause devant la CPI était constitutive de la résolution" 1973 de l'ONU autorisant le recours à la force en Libye, et que celle-ci avait en particulier été approuvée, en mars, par les trois Etats africains alors membres du Conseil de sécurité, à savoir le Nigeria, le Gabon et l'Afrique du Sud.