TRIPOLI - L'opposition libyenne se montre ouverte à l'idée de voir Mouammar Kadhafi rester au pays s'il accepte de quitter le pouvoir, les services de renseignement américains estimant que le colonel "ne se sent plus en sécurité" à Tripoli. Les rebelles libyens ont des contacts indirects avec des représentants des autorités de Tripoli et ont évoqué la possibilité pour Mouammar Kadhafi de rester en Libye s'il quittait le pouvoir, a indiqué Mahmoud Shammam, porte-parole du Conseil national de transition (CNT, direction politique de la rébellion). Interrogé sur l'existence de contacts entre insurgés et pouvoir libyen, lors d'une interview au quotidien français Le Figaro publiée vendredi, M. Shammam a répondu: "Oui, des contacts sont en cours par le biais d'intermédiaires. Mais ces négociations ne sont jamais directes. Elles se déroulent parfois en Afrique du Sud, parfois à Paris où Kadhafi a récemment envoyé un représentant pour nous parler". "Nous évoquons avec eux les mécanismes du départ de Kadhafi", poursuit le porte-parole du CNT, réaffirmant que la participation de Kadhafi et de membres de sa famille à un futur gouvernement est "totalement exclue". Vendredi le Wall Street Journal, citant des responsables américains, a indiqué pour sa part que Mouammar Kadhafi "envisage sérieusement" de quitter la capitale libyenne, Tripoli, à la suite des raids aériens de l'Otan. Les renseignements obtenus par Washington montrent que le dirigeant libyen "ne se sent plus en sécurité" dans la capitale, indique un haut responsable de la sécurité nationale américaine cité par le quotidien. Les responsables ne pensent pas que ce déplacement soit imminent et estiment que Kadhafi ne quittera pas son pays, une exigence fondamentale des rebelles. Kadhafi disposerait de nombreuses résidences sûres et d'autres installations dans la capitale, et à l'extérieur de Tripoli où il pourrait s'installer. A Benghazi, fief de la rébellion, le vice-président du CNT Abdul Hafiz Ghoga, invité à réagir aux propos de M. Shammam au Figaro, a toutefois démenti qu'il y ait "de contacts directs ou indirects avec le régime de Kadhafi". Le régime libyen avait reconnu par contre l'existence de tels contacts. De son côté, un haut responsable militaire américain a déclaré que l'Otan n'avait pas suffisamment préparé l'après-Kadhafi. "Nous, la communauté internationale, pourrions être demain dans la Libye du jour d'après (sans Kadhafi, NDLR) et il n'y a pas de plan, il n'y a pas de bon plan", a dit au quotidien le plus haut gradé américain en Afrique, le général Carter Ham. Selon lui, Kadhafi pourrait rapidement tomber et des forces terrestres pourraient être nécessaires pour maintenir l'ordre en Libye. Mais plus de quatre mois après la naissance d'une révolte transformée en conflit armé, et alors que des bavures ont entaché la campagne de l'Otan, le leader libyen avait promis dans un message sonore diffusé dans la nuit de mercredi à jeudi que "la bataille se poursuivra jusqu'à l'au-delà". L'alliance atlantique qui a pris le 31 mars la direction des opérations internationales, a continué jeudi ses raids sur des positions militaires des forces loyales au colonel Kadhafi à l'ouest du pays. Selon son rapport quotidien, elle a ainsi visé 18 véhicules militaires et des blindés dans les régions de Tripoli, Zlitan et Zintan. Les combats opposent toujours les forces du régime et les insurgés entre Misrata et Zliten sur la route de Tripoli, ainsi qu'à Al-Jabal Al-Gharbi (sud-ouest), selon des sources rebelles qui font état quotidiennement de "martyrs". Pays abritant le QG de l'opération de l'Otan et des bases aériennes d'où décollent les bombardiers alliés, l'Italie a jeté un pavé dans la mare en dénonçant mercredi les raids contre les civils et l'enlisement du conflit qui a fait depuis le 15 février des milliers de morts. "La suspension des actions armées est fondamentale pour permettre une aide immédiate", a estimé le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini. Mais cette proposition a été aussitôt rejetée par la France et le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, selon qui les opérations allaient "continuer" pour éviter que "d'innombrables civils supplémentaires perdent la vie".