Les représentants de plus de cinquante pays, à l'exception notable de la Russie, sont attendus vendredi à Tunis pour "adresser un message clair" au régime syrien, sommé de "cesser les tueries", et exhorter l'opposition à s'unir en vue d'une éventuelle future reconnaissance. Les chefs de la diplomatie des pays de la Ligue arabe, en pointe sur le dossier syrien avec un plan prévoyant une transition démocratique, l'Union européenne, les Etats-Unis, participeront à cette réunion internationale. Le Conseil national syrien (CNS) et d'autres composantes de l'opposition ont aussi été invités. En revanche, la Russie, principal soutien du régime de Bachar al-Assad, qui a déjà bloqué à deux reprises avec Pékin une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression, a rejeté l'invitation. "L'objectif réel de cette initiative n'est pas clair", a déploré Moscou, soulignant qu'aucun représentant du régime de Damas n'était invité, et estimant que la rencontre visait à orchestrer "une attaque frontale contre le régime d'Assad". La Chine quant à elle ne s'est pas encore prononcée sur sa participation, indiquant examiner "l'utilité" de la conférence. Selon la Tunisie, pays hôte, la rencontre vise à "adresser un message clair au régime syrien pour qu'il cesse les tueries contre son peuple", et à "manifester la solidarité internationale avec le peuple syrien". "Il s'agit d'exercer le maximum de pression" sur le régime de Bachar al-Assad, a précisé le ministre tunisien des Affaires étrangères Rafik Abdessalem, tout en répétant qu'il n'était pas question d'envisager une intervention étrangère en Syrie, option largement rejetée jusqu'à présent. "Nous espérons que (la réunion) jouera un rôle crucial dans l'accroissement de la pression diplomatique sur le gouvernement syrien", selon le Foreign Office, tandis que Rome a évoqué "une augmentation des pressions économiques sur l'entourage du président Assad". La réunion enverra aussi un "message clair" à la Russie et la Chine qui ont "fait malheureusement jusqu'à présent les mauvais choix", a souligné la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton. Les pays occidentaux entendent réitérer leur soutien au plan de la Ligue arabe, qui prévoit notamment les étapes d'une transition démocratique à Damas et la nomination d'un envoyé spécial de l'Onu pour la Syrie. Ils insistent également sur la nécessité pour l'opposition syrienne, fragmentée, de s'unir et se rassembler. L'opposition doit inclure "toutes les sensibilités" et "communautés" du pays pour devenir un partenaire du dialogue politique, a estimé le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé. Si une reconnaissance globale du Conseil national syrien, principale instance de l'opposition, n'est pas à l'ordre du jour, "il peut cependant y avoir des initiatives individuelles qui accélèreront le processus", estime Monzer Makhous, un représentant du CNS. La question du soutien politique et matériel à l'opposition, prôné par la Ligue arabe, pourrait aussi être évoqué, mais Washington a d'ores et déjà jugé "prématuré" d'armer l'opposition en Syrie, mettant en avant de probables infiltrations d'Al-Qaïda dans la crise syrienne. Au-delà de l'aspect symbolique de la réunion, plusieurs diplomates espèrent des initiatives concrètes, particulièrement sur l'accès humanitaire aux victimes de la répression qui a déjà fait plus de 6000 morts depuis onze mois. "Nous ne nous faisons pas trop d'illusions sur la possibilité que des décisions importantes soient prises, mais la réunion sera un tournant politique", estime le responsable du CNS Monzer Makhous, jugeant qu'elle aura un "effet amplificateur" après la résolution le 16 février de l'Assemblée générale de l'Onu, condamnant la répression en Syrie. "Elle aura le mérite d'éclaircir les positions", selon l'analyste tunisien Fayçal Chérif. "On va savoir qui pense quoi, qui peut faire quoi, qui sont les attentistes, et chacun sera devant ses responsabilités".