Ce sont des moments de pur enchantement que de replonger dans ce conte mythique racontant l'histoire de la belle Aouicha séquestrée par un mage. Un long poème d'amour cher aux admirateurs du chaâbi autant en Algérie qu'au Maroc « Aouicha wel Harraz » ou bien « Harraz Aouicha ». Dix-huit ans, le bel âge pour une belle jouvencelle aimée et aimante. Seulement El Harraz venu de son lointain Hidjaz au pays des chorafas, le Maroc, entend parler de celle qui porte le doux nom de Aouicha. Le Maghreb, ce Maroc aux mille senteurs, mille épices et mille sources et rivières, devient le pays élu pour ce savant, abreuvé à toutes les sciences connaissant la route des étoiles, le langage des sages, les voies marines menant au bout du monde. L'Inde et la Chine, les vastes déserts dérobés à la présence humaine, les merveilles du monde n'ont aucun secret pour lui. Sorcier, magicien, manipulateur des confidences ésotériques et du Qalam trempé dans l'univers du mystérieux s'en vint pour chercher la femme de sa vie. Au Maghreb royaume de Sidi Idriss et de légendes, il fit la rencontre à Azemour de Aouicha la gazelle, poétesse, joueuse de luth et interprète de chants venus de l'Arabie heureuse. Passé maître dans la magie et la sorcellerie, El Heraz terrifiant par ses intuitions, enleva Aouicha pour l'enfermer et l'aimer à loisir dans un palais au dessus des flots de la mer. L'ami de Aouicha et amoureux, le poète tourmenté pleurant son amie dira dans un poème : « Elle avait grandi dans mon intimité ... O Qui veut bien entendre ce qu'il advint entre l'amant, Aouicha et son vigile, ce maître des sciences occultes ? » L'aède maghrébin fera appel à tous les stratagèmes pour retirer des griffes du gardien, sans scrupules, Aouicha. Il portera l'habit de Cadi, se dissimulera sous un déguisement de vieux prophète, accompagné de dix compagnons, portant habits d'hommes de Dieu, et frappera aux portes de la citadelle. Douze jeunes femmes dans la force de leur beauté, musiciennes au don parfait, trois virtuoses du violon, trois joueuses de luth, trois percussionnistes récitantes de qacidates et trois danseuses pouvant séduire le plus vertueux des ascètes. Le poète dépité reprit courage auprès des douze grâces. De cadi, il se dissimula sous le costume d'or et d'argent d'une jouvencelle au prénom musical de Yamna. Elles se mirent en marche pour la citadelle du Haraz surplombant les flots. Lala Malika et sa sœur Fettouma, Rym Hadda et la gazelle Zahra, Habouche et Radia, Mennana et Zahia, Errhima, Khenata et Lala Habiba ainsi que la grande Oum Keltoum au corps harmonieux de gazelle. Douze Vierges vêtues de soieries aux grands yeux maquillés au kohl pouvant faire chavirer le cœur du plus enduré des ermites : » O ! qui veut bien entendre ce qui advint entre l'amant, Aouicha et son vigile, ce maître de sciences occultes ? » La fin de ce chant légendaire est heureuse. Avec la bénédiction de Sidi Rahal, saint homme au pouvoir sacré et l'habileté des douze grâces. Ces beautés à la parole, l'ami pourra libérer Aouicha des griffes de l'enchanteur aux pouvoirs maléfiques, dompteur des forces de la nature et les forces invisibles : « O ! Qui veut bien entendre ce qu'il advint entre l'amant, Aouicha et son vigile, ce maître des sciences occultes ? » Une légende, un mythe, la qacida écrite en 1785 n'a pas perdu de son merveilleux, toujours appréciée par les amoureux des beaux textes et de la culture chaabie incroyablement ancrée dans les sociétés du Maghreb.