Le film que tout le monde attendait du côté des deux rives a enfin été projeté, vu et commenté. C'était hier, en simultané à Alger et à Cannes. Sur la Croisette, dans les pourtours du festival, «Hors la-loi » a provoqué une manifestation des contre, des nostalgiques menant à bout une diatribe, lancée contre un film « qui n'a été vu par personne », a en outre commenté le réalisateur Rachid Bouchareb qui a au cours d'une interview accordée en exclusivité à la télévision algérienne, exprimé son « étonnement sur cette réaction contre un film qui n'est qu'une fiction faite à partir de faits historiques. Et non un film historique. » Par ailleurs, le cinéaste dit s'attendre à des réactions et à un débat qu'il aurait plus judicieux d'ouvrir après le visionnage du film. Et de déclarer que c'est la liberté d'expression qui en prend un coup et se trouve ainsi confisquée, sans aucun justificatif ! Et hier matin, à la même heure, à Cannes, 10 heures GMT (9 heures, heure algérienne), la salle El Mouggar a vu la projection de «Hors-la-loi», fortement salué par les invités entre presse nationale, cinéastes et artistes. L'émotion a été transmise aux spectateurs depuis le grand écran, où la charge émotionnelle dans le jeu des acteurs et cette histoire construite à partir d'une famille spoliée de ses terres héritées des aïeux, comme le crie un Ahmed Benaïssa majestueux, et dont extrait de ses mains fermes, une Chafia Boudraa au summum de son talent, un morceau. Qu'elle emportera avec elle dans l'Hexagone où la révolte se transpose, contre ce colon spoliateur. Qu'un caïd incarné superbement dans ce mauvais rôle par un Larbi Zekkal qui a beaucoup de hauteur. Et cette révolte devient le combat des enfants - dans les trois rôles, très bien tournés du reste par une nouvelle génération de comédiens maghrébins - maintenant soudés par la lutte, qui mènent de front malgré quelques divisions et à terme une révolution faite pour réussir. C'est le mot de la fin avec la mort de l'intellect Abdelkader, prononcé dans la bouche amère mais vaincue, d'un colonel qui tout en se penchant sur le cadavre de celui qu'il n'a de cesse traquer : « Tu as gagné ! »