Moubarak n'a pas regagné hier dans un box grillagé, l'hôpital militaire, comme lors des précédentes audiences. Il a passé sa première nuit dans l'aile médicalisée de la prison de Tora, dans la banlieue sud du Caire, où il purgera sa peine. Même s'il a refusé, en pleurant, de quitter l'hélicoptère qui l'a transporté. Son état de santé se serait dégradé sérieusement, selon ses proches. Accusé de meurtre de 846 manifestants en février 2011, l'ex-président a plaidé non coupable. « Ce verdict est plein de failles juridiques. Nous allons faire appel. Nous allons gagner à un million pour cent », affirme Yasser Bahr, un de ses avocats. Les avocats qui se sont constitués partie civile n'excluent pas un acquittement de Moubarak et son ex-ministre de l'Intérieur en cas de nouveau procès. « Nul et non avenu », « Le peuple veut la purge de la justice », ont-ils ainsi crié après l'acquittement des six responsables de la sécurité et l'annonce par le juge de l'acquittement de Alaa et Gamal, les deux fils du Raïs, accusés de corruption. Pour protester contre une décision « diplomatique » de la cour, le procureur général, qui a demandé la peine de mort pour Moubarak, a fait appel aussi. « C'est une farce », déclare Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans à l'élection présidentielle, appelant avec à manifester en masse contre l'acquittement des responsables de la police assimilé par certaines ONG (Amnesty International, Human Rights Watch) à un « déni de justice » qui pourrait encourager une culture d'impunité à l'avenir. « Les décisions de justice doivent être acceptées », déclare Ahmad Chafiq, l'autre finaliste de la présidentielle. Hossam Bahgat, l'avocat et militant reconnu des droits de l'Homme, estime que « le verdict soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses ». « Les Egyptiens se sentent vengés de voir Moubarak et son ministre de l'Intérieur condamnés à la prison à vie, mais (...) la cour semble ne pas avoir trouvé de preuves que les meurtres aient été commis par des policiers. Il semble que la cour ait condamné Moubarak et Adli pour avoir échoué à empêcher les meurtres », dit-il. Certains analystes laissent croire que « ce verdict prépare le terrain à une grâce lorsque Chafiq arrivera au pouvoir ». Selon le ministère égyptien de la Santé publique, douze personnes ont été blessées dans les affrontements qui ont éclaté après la condamnation de l'ex-président égyptien. La raison ? Le jugement a provoqué l'indignation tant des partisans que des opposants de Moubarak. Les fils de l'ancien président ont échappé à toute sanction. Les faits de corruption contre eux sont prescrits, selon Ahmed Rifaat, le président du tribunal. Un autre procès les concernant doit s'ouvrir prochainement pour une affaire de corruption boursière. Ils auraient illégalement obtenu et transféré à l'étranger près de 2 milliards de livres égyptiens (plus de 330 millions de dollars) en achetant la majorité des actions de plusieurs banques. « Les deux hommes font l'objet d'autres enquêtes pénales, ils resteront donc en prison malgré leur acquittement », explique le procureur général Abdel Meguid Mahmoud. Fait notable, le verdict a été prononcé 48 heures après la levée de l'état d'urgence imposé depuis 1981. L'Egypte veut-elle en finir avec le système Moubarak ? Dans la région, certains le regrettent déjà. Comme Binyamin Ben Eliezer, l'ex-ministre israélien de la Défense. « J'aurais souhaité un peu plus clémence et de pitié de la part du tribunal pour celui qui a consacré toute sa vie au peuple égyptien », dit-il avant de lancer un aveu : « le Moyen-Orient après l'Egyptien ne sera plus le même ».